Ver géant des Antilles

Eunice sp. |

N° 1232

Cosmopolite (mers chaudes)

Clé d'identification

Très long ver rouge irisé (minimum 1,50 m)
5 antennes sur la tête
Grande vélocité
Mœurs nocturnes

Noms

Autres noms communs français

Eunice géante

Synonymes du nom scientifique actuel

Cette fiche a été intitulée Eunice sp car l'identification au niveau espèce ne peut pas être confirmée en l'absence de certains détails anatomiques (voir § Espèces ressemblantes et Distribution).

Distribution géographique

Cosmopolite (mers chaudes)

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes

Des Eunicidés géants ont été signalés dans toutes les mers tempérées à tropicales, de la Méditerranée (Adriatique) à l'Indo-Pacifique.
En Méditerranée (Adriatique), il ne s'agit pas d'Eunice aphroditois (Pallas, 1788), mais d'Eunice roussaei Quatrefages, 1866 ou « ver de Rimini », qui est récolté et vendu en tant qu'appât de pêche.

Cette fiche ne traite que des spécimens observés aux Antilles (Guadeloupe et Martinique).

Biotope

Ce ver est observé dans les zones accidentées, rocheuses ou coralliennes, avec de nombreuses cachettes permettant de s'abriter, souvent à proximité d'herbiers, rarement sur fonds sableux.

Description

Le ver géant des Antilles a l'aspect d'une énorme scolopendre et se déplace avec une grande vélocité.
Sa longueur est au minimum d'un mètre, la plupart des témoignages visuels font état d'une longueur de 2 à 3 mètres pour un diamètre de 2 à 3 cm. La longueur record citée dans la littérature pour ces Eunicidés géants est de 6 m !

La face supérieure est arrondie, d'une couleur rouge pourpre à rouge bordeaux. La face ventrale est aplatie, de couleur blanchâtre avec de très belles irisations, présentes aussi sur la face dorsale. Elles sont provoquées par la réfraction de la lumière sur les couches superficielles de la cuticule, extrêmement minces et formées de nappes de fibres striées se croisant à angle droit.

La tête porte cinq antennes ou palpes, deux cirres ou tentacules plus courts sont visibles à la base du deuxième segment.
Le pharynx peut se dévaginer en formant une trompe armée de « mâchoires » cornées en forme de crochets.

Tous les autres segments sauf le tout dernier sont munis d'une paire d'appendices latéraux à rôle locomoteur appelés parapodes*. Chacun de ces parapodes est surmonté d'un panache qui est la branchie. Les adultes ont couramment 100 à 200 segments, avec un record de 1 500 segments [Fauchald].

Seule une étude fine de la structure et de l'agencement des parapodes et des appendices céphaliques (palpes, antennes, cirres), permettrait une détermination au niveau de l'espèce.

Espèces ressemblantes

Cuvier écrit : "La mer des Antilles [] a une [espèce] de plus de quatre pieds de long (Eun. gigantea, Cuv.), qui est la plus grande annélide connue".
Uniquement pour la région Caraïbe, plus de cinquante espèces d'Eunice ont été répertoriées, souvent à partir de fragments récoltés à la drague, aucun de ces fragments ne faisant plus de 80 cm.
Citons :
Eunice aphroditois (Pallas, 1788) ; circumtropical, probablement confondu avec Eunice gigantea de Cuvier ;
Eunice antennata (Savigny, 1820)
Eunice vittata (Delle Chiaje, 1828)
Eunice cariboea Grube, 1856
Eunice roussaei Quatrefages, 1866 : semble restreint à l'Atlantique Est et à la Méditerranée ;
Eunice antillensis Ehlers, 1887
Eunice violaceomaculata Ehlers, 1887

L'existence de ces vers géants est connue depuis Lamarck, cependant à ce jour on sait très peu de choses sur leur biologie, et leur longueur maximum est inconnue. Leur identification n'est possible qu'avec une observation fine, à la loupe, des appendices céphaliques (palpes ou antennes, trompe) et des parapodes (soies, acicules*).

Alimentation

Le mode d'alimentation de ces Eunicidés géants est mal connu. Les observations d'Annélides Polychètes errantes en aquarium, ainsi que l'examen de contenus stomacaux, montrent qu'elles sont capables de survivre en consommant à peu près n'importe quoi. Ces grands animaux sont probablement opportunistes et consomment tout ce qu'ils peuvent récolter sur le fond : bivalves, petits crustacés, charognes, algues, détritus divers.
Les spécimens antillais se déplacent avec vélocité sur le fond à la recherche de nourriture, et n'ont jamais été observés en embuscade dans un terrier contrairement à certains de leurs cousins de l'Indo-Pacifique tropical surnommés "bobbit worms". Ceux-ci, très carnassiers, chassent à l'affût : quand une proie passe à proximité, le ver jaillit hors du trou et la capture à l'aide de forts crochets buccaux.

Reproduction - Multiplication

Inconnue.
Les modes de reproduction des Eunicidés sont assez variés : certaines espèces déposent des pontes en masses gélatineuses et les abandonnent, d'autres pratiquent une forme d'incubation, d'autres dispersent leurs œufs au cours de danses nuptiales synchronisées avec les phases de la lune, comme Eunice fucata (le « palolo atlantique »).

Divers biologie

Le ver géant antillais est très sensible à la lumière et ne sort que de nuit, sauf accident ou maladie. De jour il reste caché dans un abri rocheux ou une fissure du corail, roulé sur lui-même comme une pelote de ficelle.
Selon un témoin qui l'a vu en Guadeloupe, dans une grotte : "la chose était en boule, et avait l'apparence d'un ver de feu énorme".

Comme toutes les Polychètes et les Annélides en général, ces vers ont une très bonne faculté de régénération. Ils sont capables de se séparer d'une grande partie de la région postérieure par autotomie*, quand ils sont attaqués par un prédateur par exemple.
Par la suite la partie avant épargnée peut "faire repousser" les segments manquants. La partie régénérée marque une nette différence de diamètre avec le reste du corps, plus épais. (voir photos).
Selon des expériences faites en laboratoire, la partie postérieure abandonnée serait également capable de régénérer un segment céphalique, à condition d'être protégée des prédateurs.

Des témoignages répétés et convergents rapportés par les plongeurs font état de "nids" dans lesquels se réfugient les vers géants pendant la journée. Il s'agit plus exactement d'anfractuosités ou espaces (entre deux blocs coralliens, sous des rochers éboulés par exemple) légèrement aménagés : les parois sont tapissées d'une nappe de soie très fine qui débouche à l'extérieur par un manchon, lui-même arrimé par un réseau de fils aux reliefs avoisinants.
La fabrication du "nid" n'a pas encore été observée.

Informations complémentaires

Le ver géant antillais est plutôt timide, sa rapidité et sa tendance à fuir la lumière sont sa meilleure défense. Si vous le rencontrez en plongée de nuit, ne l'éclairez pas directement avec un phare, ce qui risque de le désorienter : masquez votre lampe avec la main et éclairez à côté de lui, le halo lumineux sera suffisant pour l'observer sans le gêner.
Ne le touchez pas car il peut se séparer d'une bonne partie de ses anneaux par autotomie réflexe s'il est effrayé !

Contentez-vous d'admirer ce spectacle qui en vaut la peine, voici sa description par un observateur qu'on devine fasciné :
"La couleur générale est d'un brun-marron très chaud et velouté avec des reflets d'or et d'azur d'une richesse incroyable. [...] Les cirrhes assez longs pour dépasser les branchies sont violacés à leur base et ont l'extrémité d'un jaune d'or. Les branchies d'un rouge vif, sans cesse en mouvement et se tordant en S ou en hélice, font ressortir cet ensemble dont la peinture la plus parfaite aurait peine à donner une idée exacte.
Mais l'alcool détruit toute cette parure. Le fragment que j'ai déposé dans les collections du Museum est d'un blanc grisâtre uniforme, comme tout ceux qu'on a rapportés de la Martinique
". (Armand de Bréau de Quatrefages).

Origine des noms

Origine du nom français

Eunice géante, Ver géant des Antilles sont des propositions du site DORIS.

Origine du nom scientifique

Eunice : comme beaucoup de noms de genres de Polychètes, c'est un nom tiré de la mythologie gréco-latine (il s'agit d'une gracieuse nymphe, une des Néréides, citée par Apollodore).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 327810

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Annelida Annélides

Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites.

Classe Polychaeta Polychètes

Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles.

Ordre Eunicida Eunicides

Polychètes carnassiers qui possèdent: trois antennes souvent entourées par deux palpes, des branchies bien développées sur les parapodes, une métamérie bien conservée, pas de véritable trompe exsertile mais des mâchoires exsertiles constituées d'au moins une paire de pièces calcifiées.

Famille Eunicidae Eunicidés

Polychètes libres et carnassiers possédant 1, 3 ou 5 antennes céphaliques, animaux avec de nombreux segments. dans les sables et graviers.

Genre Eunice
Espèce sp.

Nos partenaires