Crabe de taille moyenne à grande, jusqu'à 9 cm de largeur de carapace
Carapace presque carrée avec 4 dents antéro-latérales
Couleur brun clair, bout des pinces blanc
Pattes légèrement poilues
Pinces du mâle couvertes d'un manchon de poils qui justifie son nom de "crabe à mitaines"
Dans les eaux douces et les grands estuaires
Crabe chinois, crabe poilu de Shangaï, crabe mitaine
Chinese freshwater edible crab, Chinese mitten crab, Chinese river crab, hairy crab, hairy-fisted crab, river crab, Shanghai crab (GB), Granchio guantato, granchio cinese, granchio guantatto (I), El cangrejo chino, cangrejo peludo chino, cangrejo de rio exotico (E), Chinesische Wollhandkrabbe (D), Chineesche Wolhandkrab (N), Krab welnistoszczypcy (Polonais), uldhåndskrabbe (Danois), Hiina villkäpp-krabi (Estonien), villasaksirapu (Finnois), Kinas cimdinkrabis (Letton), Kinesisk ullhandskrabba, Kinesisk ullhåndskrabbe, Kinijos krabas (Lituanien)
Grapsus nankin Tu, Tu, Wu, Ling & Hsu, 1923
Eriocheir sinensis f. acutifrons Panning, 1938
Eriocheir sinensis f. rostratus Panning, 1938
Eriocheir sinensis f. rotundifrons Panning, 1938
Eriocheir sinensis f. trilobata Panning, 1938
Eriochirus sinensis (erreur orthographique fréquente).
Natif d'extrême-orient et introduit en Europe et en Amérique du Nord
Zones DORIS : ● Atlantique Nord-Ouest, ● Eau douce d'Europe, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]Le crabe chinois est originaire d'extrême-orient (Chine et environs). Il a été introduit dans la plupart des pays d'Europe entre le sud de la Scandinavie et le Portugal.
Dans les îles Britanniques, il est particulièrement abondant dans la Tamise. En Méditerranée, il n'a été signalé que du Languedoc en France (mais disparu), dans le delta du Rhône et dans l'Adriatique. Par ailleurs, il est présent en mer Noire et en mer d'Azov.
Il a également été introduit en Amérique du Nord où il a été signalé dans le Saint-Laurent (à hauteur de Québec), dans les grands lacs, dans le Mississippi et en Californie.
Le crabe chinois vit à très faible profondeur dans les cours d'eau, les étangs et les canaux dont il mine les berges et les digues. Il peut se rencontrer jusqu'à 1 500 km de la mer. Les crabes migrent vers la mer au moment de la reproduction qui a lieu en milieu saumâtre. Les larves* vivent en mer près des côtes et en particulier à proximité des grands estuaires.
Le crabe chinois est de taille moyenne à grande. Les mâles mesurent (largeur x longueur de la carapace) jusqu'à 9 x 8 cm, les femelles jusqu'à 8,3 x 8 cm et les femelles ovigères* s'observent entre 6 x 5,5 et 7,5 x 7 cm. La carapace est un peu plus large que longue, presque carrée avec les bords latéraux convexes. Elle porte 4 dents antéro-latérales pointues, 4 dents frontales et présente de faibles rides transversales.
Les paumes des pinces du mâle adulte ont une pubescence laineuse dense (d'où son nom de crabe mitaine). Les pattes ambulatoires sont finement frangées de poils. Les segments abdominaux 3 à 6 du mâle sont fusionnés.
La couleur du crabe chinois est brun-olive à gris tacheté de sombre. Les extrémités des pinces sont blanches.
Les œufs fraîchement pondus sont violets et deviennent progressivement gris clair au cours de l'incubation.
Actuellement, il n'y a aucune confusion possible avec d'autres crabes en Europe, sauf si une des trois autres espèces du genre Eriocheir ou d'un genre voisin venait un jour à y être introduite.
Cette hypothèse reste vraisemblable dans la mesure où le crabe japonais à mitaines Eriocheir japonica a déjà été signalé sur la côte ouest d'Amérique du Nord.
Les différentes espèces d'Eriocheir sont morphologiquement très proches et certaines peuvent s'hybrider. Elles diffèrent principalement par des critères morphologiques sur la carapace : forme de la 4e dent antéro-latérale, rapport largeur/longueur, convexité relative et profondeur du sillon médian du front, entre autres.
Le crabe chinois est végétarien au début de sa vie, puis devient prédateur en grandissant. Ses proies sont alors des mollusques bivalves et gastéropodes, des crustacés, des vers et des larves d'insectes.
Les adultes gagnent la mer pour la reproduction entre juillet et octobre. Ces migrations peuvent être très longues, ce crabe pouvant parcourir 8 à 12 km par jour lors de l'avalaison* (période de migration des espèces catadromes* depuis l'amont des cours d'eau vers les eaux maritimes) et sortir de l'eau pour traverser des digues ou des voies de communication.
Les mâles qui se concentrent dans le cours inférieur des fleuves migrent en premier de fin octobre à mi-décembre pour s'accoupler avec les femelles lors de leur passage de fin octobre à mi-décembre. Avant la mue de la femelle, le mâle et la femelle passent plusieurs heures, voire plusieurs jours en précopulation dans la position "face à face", les pattes relevées, le mâle tenant alors les pinces de la femelle avec les siennes.
La ponte intervient dans les 24 h qui suivent l'accouplement et les femelles hivernent dans les estuaires jusqu'à l'éclosion des larves.
Le nombre d'œufs pondus varie de 260 000 à 1 000 000 en fonction de la taille de la femelle. L'incubation a lieu d'octobre à juin en milieu paralique* dans des eaux saumâtres de salinité d'au moins 15 g/l.
L'éclosion des larves a lieu en mai-juin. La plupart des crabes adultes meurent après la reproduction.
Le développement larvaire complet comporte un stade pré-zoé et cinq stades zoé* et il est suivi par une mégalope*. Les larves planctoniques* (1 à 2 mois dans le plancton) et les juvéniles benthiques* poursuivent leur développement près de la côte en été et en automne.
L'année suivante les jeunes commencent à remonter les fleuves à la fin de l'hiver et au printemps. Les individus en croissance vivent en eau douce. La maturité sexuelle est atteinte en 2 à 3 ans, rarement plus. La puberté est atteinte en août lors de la migration aval et de l'arrivée dans des eaux saumâtres.
Des épibiontes* ont été observés en eau douce (la moule zébrée Dreissensia polymorpha) et en milieu marin (la moule atlantique Mytilus edulis, la balane Balanus crenatus et des hydraires).
Abrités dans les poils des pinces, on a trouvé huit espèces d'acariens marins (halacariens).
Les prédateurs d' E. sinensis sont principalement des mammifères comme le rat ou la loutre Lutra lutra, des oiseaux comme le héron cendré Ardea cinerea, la cigogne ou les mouettes, et des poissons comme l'anguille Anguilla anguilla, la lotte de rivière Lota lota, la morue franche Gadus moruha, la truite Salmo trutta, la perche Perca fluviatilis et le brochet Esox lucius.
Les crabes du genre Eriocheir peuvent être parasités par le crustacé cirripède Polyascus gregaria. E. sinensis est le second hôte intermédiaire de la douve pleuro-pulmonaire orientale Paragonimus westermanii, un trématode présent chez les arthropodes à l'état de métacercaires* infestantes. Les mammifères, y compris l'homme sont les hôtes définitifs de ce ver parasite. C'est pourquoi il est dangereux de consommer le crabe chinois cru ou mal cuit ce qui peut engendrer une distomatose (maladie parasitaire) pulmonaire.
Divers "microbes" ont été signalés chez le crabe chinois : des bactéries potentiellement pathogènes comme le Vibrio parahaemolyticus ou des rickettsies du genre Rickettsia, ainsi que plusieurs virus (le réovirus des crabes chinois E. sinensis Reovirus 905, un autre réovirus et un virus "bunya-like").
L'animal se tient le jour sous des pierres, dans des trous ou des terriers qu'il creuse lui-même. Ses galeries dans les berges peuvent atteindre 80 cm de long et 2 à 12 cm de large ; elles sont en partie anastomosées* et présentent plusieurs entrées.
Le crabe chinois sort la nuit pour se nourrir, migrer et se reproduire.
Il est grégaire et se réunit en groupes parfois très importants en eau saumâtre au moment de la reproduction.
Après sa phase d'extension en Europe où il a été introduit, le crabe chinois s'est considérablement raréfié depuis une quarantaine d'années dans la plupart des zones colonisées du nord de la France et du Bénélux. Il a disparu du midi méditerranéen de la France. L'espèce ne pose plus de problèmes environnementaux importants en Europe. Elle ne semble pas particulièrement menacée dans son aire d'origine.
Le crabe chinois est capturé dans les nasses à anguilles, et dans les chaluts à crevettes. Il détruit ou met en fuite le poisson et occasionne des dégâts dans les filets des pêcheurs. Il détériore les berges des cours d'eau. Il est parfois utilisé comme appât pour la pêche aux anguilles, comme farine animale et comme cosmétique.
Dans les années 2010-2013, la production annuelle mondiale était d'environ 600 000 tonnes, essentiellement en Chine. Bien qu'il soit réputé comestible, il n'est pas utilisé en France et l'est peu en Europe par l'homme pour sa consommation.
Le crabe chinois est une espèce "populaire" à l'aspect très caractéristique figurant dans de nombreux livres de vulgarisation et sur certains timbres poste.
Crabe chinois à mitaines : cette espèce, originaire de Chine, montre un mâle dont les pinces ont un manchon de poils cotonneux ressemblant à des mitaines.
Eriocheir : du grec [erion] = laine, toison et [cheir] = main. Donc "main" (= paume de la pince) avec de la laine.
sinensis : du latin [sinensis] = de Chine.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Brachyura | Brachyoures | Les brachyoures ont un abdomen réduit replié sous le céphalothorax. Ils sont représentés par les crabes et les araignées de mer. |
Famille | Varunidae | Varunidés | |
Genre | Eriocheir | ||
Espèce | sinensis |
Femelle
Contrairement au mâle, le bout des pinces n'est pas couvert par un épais manchon de poils chez la femelle.
Notez la couleur claire des pattes.
Dans le Rhin (près de Strasbourg ? 67), à faible profondeur
27/09/2016
Femelle adulte (mue)
La femelle a relativement peu de poils aux pinces.
En vue ventrale, on peut voir l'abdomen large qui abrite les œufs après la ponte.
Bassin à flot, Bordeaux (33), mue trouvée sur le rivage
07/08/02016
Mâle adulte ganté
Mue de crabe chinois avec mitaines ! C'est donc sans doute d'un mâle adulte.
Mue prélevée aux bassins à flots de Bordeaux (33)
01/08/2012
Mâle en attente d'une femelle...
Pour la reproduction, les adultes descendent vers la mer où les mâles attendent les femelles au passage. Il n'est donc pas surprenant de trouver des individus dans les estuaires ou comme ici dans les ports, non loin de la mer.
Bassin de l'Eure, Port du Havre (76), faible profondeur
02/1998
Crabe chinois dans un étang
Photo prise à travers la surface, en bordure d'un étang communiquant avec la Garonne par des ruisseaux.
Le gobelet en plastique donne (hélas pour la beauté de la photo) l'échelle de l'individu.
Étang de "la plantation", Villenave-d'Ornon (33), 20 cm de profondeur au plus
12/08/2012
Lignes granuleuses
Un recadrage peut montrer les diverses lignes granuleuses qui sont présentes sur les bords de la carapace, sous les yeux et sur les pinces, assez caractéristiques de l'espèce (si on la regarde de très près !)
Dans le Rhin (67) et dans le port de Rouen (76), faible profondeur
27/09/2016 & 20/09/2015
Exuvie
Ces dernières décennies, le crabe chinois n'est observé que très occasionnellement dans les grands estuaires en France. Ici, une exuvie témoigne de l'existence de l'espèce en aval du réseau hydrographique de la Seine.
Noter le bord de la carapace granuleux, les antennules et les antennes courtes, le bout des pinces de couleur blanche et le dessus de la paume avec quelques poils bruns : il s'agit sans doute d'une femelle.
Port de Rouen (76), confluent du Cailly, faible profondeur
20/09/2015
Ouverture de terrier
Le crabe chinois se cache dans la journée au fond d'un terrier qu'il creuse, avant sa mue dans les berges ou sur de la vase consolidée. Le terrier mesure habituellement 50 à 80 cm de long et 2 à 12 cm de large.
Port de Rouen (76), confluent du Cailly, faible profondeur
08/10/2016
Mâle adulte en vue dorsale (dessin)
Dessin ancien tiré de cette publication de Marc André : André M., 1946, La propagation du crabe chinois (Eriocheir sinensis H. M.-Edw.) dans le nord de la France, Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, Paris, 2(18), 389-393.
Dessiné sans doute d'après un spécimen en collection provenant du nord de la France.
Reproduction de documents anciens
1946 (ou avant)
Specimen de collection historique
Photo du premier spécimen récolté dans l'estuaire de la Seine en 1948. Ce grand mâle a été signalé par André Maury, conservateur à l'époque du Muséum d'histoire naturelle du Havre.
Voir la publication de [Vincent 1993] pour informations complémentaires.
Photo ex-situ d'un spécimen en collection
1948
Timbre de Tanzanie
Vue d'artiste montrant un mâle in natura.
Timbre édité en 1994, d'après Omori M., 2014, Crustaceans on Postage Stamps from 1871 through 2002: The Complete Checklist. Journal of the Tokyo University of Marine Science and Technology, 10: 40-86. [page 82]
1994
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Guinot D., 1967, Les crabes comestibles de l'Indo-Pacifique, Editions de la Fondation Singer-Polignac, 1-145.
Hoestlandt H., 1948, Recherches sur la biologie de l'Eriocheir sinensis H. Milne-Edwards (Crustacé Brachyoure), Annales de l'Institut océanographique, Paris, 24, 1-116.
Jacquet S., 2014, Le crabe chinois dans le Léman ?, Subaqua, mai-juin 2014, 254, 9.
Keith P., Guilbot R., Cochet G., 1998, Mollusques, crustacés, arachnides et autres petits invertébrés des eaux douces, Ministère de l'Environnement, OPIE, SPN/MNHN, CSP, 1-48.
Lestage J. A., 1935, La présence en Belgique du crabe chinois (Eriocheir sinensis H. Milne Edwards), Annales de la Société royale zoologique de Belgique, 66, 113-118.
Petit G., Mizoule R., 1973, En douze ans le "Crabe chinois" n'a pu réussir son implantation dans les lagunes du Languedoc, Vie et Milieu, série C, biologie terrestre, 23, 181-186.
Sakai K., 2013, A review of the genus Eriocheir De Haan, 1835 and related genera, with the description of a new genus and a new species (Brachyura, Grapsoidea, Varunidae), Crustaceana, Leiden, 86, 1103-1138.
Tétry A., 1948, Le crabe chinois menace les rivières françaises, Science et Vie, 40, 218-222.
Vigneux E., Keith P., 1993, Eriocheir sinensis H. M. Edwards, 1854, in Atlas Préliminaire des crustacés décapodes d'eau douce de France (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris, Vigneux E., Keith P., Noël P. (édit.), Collection Patrimoines Naturels, Secrétariat Faune-Flore, B.I.M.M.-M.N.H.N., C.S.P., Min. Env., Paris, 14, 38-39.
Vincent T., 1996, Le crabe chinois Eriocheir sinensis H. Milne-Edwards, 1854 (Crustacea, Brachyura) en Seine-Maritime, France, Annales de l'Institut océanographique, Paris, 72, 155-171.
La page d'Eriocheir sinensis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN