Très petit crabe blanc (moins d'1 centimètre)
Carapace convexe, lisse, luisante
Vit à la face inférieure du test de l'oursin-cœur
Pea crab, heart urchin pea crab (GB)
Dissodactylus borradailei Rathbun, 1918
Atlantique tropical Ouest
Zones DORIS : ● CaraïbesIl est signalé de la Floride, la Barbade, la Jamaïque, Cuba et Panama, et il est sans doute présent dans tout l'arc antillais.
Il est très commun à la Martinique et à la Guadeloupe, où on est à peu près sûr de le trouver sous chaque spatangue rouge.
Sauf les premiers spécimens récoltés par dragage, ce petit crabe a été trouvé exclusivement sur, ou plus exactement sous deux espèces d'oursins-cœurs des Antilles (Spatangoïdes) : Meoma ventricosa et Plagiobrissus grandis.
Craignant la lumière, ils s'installent préférentiellement sur la face ventrale et à proximité de la bouche de l'oursin. Il arrive même qu'ils pénètrent dans l'œsophage et y séjournent sans être consommés par l'oursin.
Il est probable qu'ils se déplacent, de nuit, d'un oursin à l'autre, mais aucun Dissodactylus n'a encore été trouvé ailleurs que sur son hôte.
Le crabe-pois ressemble à une pastille blanche collée parmi les piquants de la face inférieure des oursins, on ne peut le voir qu'en soulevant son hôte.
Il est minuscule : la taille moyenne de la carapace est de 8 mm x 6 mm pour les femelles, et 3 mm x 2 mm pour les mâles. La carapace est convexe, lisse, luisante sur le dessus, mais avec une légère pilosité qui masque les côtés et l'arrière.
Les yeux sont très petits, peu visibles dans des orbites à peine marqués.
Les chélipèdes* (pinces) sont unis et lisses comme le dos, avec une courte frange de poils sur la face externe.
Les pattes marcheuses sont courtes, épaisses et quasi égales, avec un article terminal bifide* sur les trois premières paires de pattes. Cette sorte de fourche l'aide à s'accrocher sur les radioles* de l'oursin hôte.
Plusieurs espèces de crabes-pois infestent les oursins de sable (oursins des genres Clypeaster, Mellita, Leodia), dont le mode de vie semi-enterré affecte grandement la morphologie.
Tous ces crabes-pois se ressemblent énormément, on ne les distingue que par de subtiles différences dans la forme des chélipèdes* ou de la carapace, généralement lisse et blanchâtre. Dissodactylus primitivus est le seul à parasiter les Spatangoïdes.
Il existe une certaine spécialisation hôte-parasite qui peut aider à les identifier. Parmi les crabes-pois des Caraïbes on peut trouver :
Dissodactylus mellitae sur Mellita quinquiesperforata ;
Dissodactylus crinitichelis sur Leodia sexiesperforata ;
Clypeasterophilus rugatus sur Clypeaster rosaceus (c'est le seul facilement reconnaissable à sa carapace rugueuse et pigmentée) ;
Clypeasterophilus stebbingi sur Clypeaster subdepressus ;
Dissodactylus latus sur les biscuits de sable ou dollars de sable : Leodia sexiesperforata, Encope michelini, Clypeaster subdepressus.
Ces petits crabes se nourrissent principalement en sectionnant avec leurs pinces les radioles* de leur oursin-hôte, et en avalent les fragments (rappelons que les piquants des oursins ne sont pas des appendices inertes mais des organes recouverts d'un épiderme bien vivant et comestible). Des images prises en radiographiant les crabes font apparaître dans l'intestin des tronçons d'épines de 0,2 à 0,5 mm de long, ce qui est énorme vu la taille du crabe.
Ils prélèvent également des podia, des pédicellaires* et arrachent le tégument jusqu'à laisser des portions de test* entièrement dénudées.
Le reste de leur alimentation (30 à 40%) est constitué de foraminifères, diatomées, débris muqueux : on ignore si ces éléments sont extraits du substrat ou directement prélevés au passage sur les sentiers fasciolaires*, ou lorsque l'oursin les collecte dans le sédiment.
Il n'y a généralement qu'une seule femelle ovigère* par oursin, mais autant de mâles, de femelles immatures ou de juvéniles que l'hôte peut en porter. Les adultes se promènent apparemment d'un oursin à l'autre à la recherche d'un partenaire. Ce nomadisme a lieu au cours de la nuit, lorsque l'oursin refait surface.
La femelle porte ses œufs sur les pléopodes* pendant 10 à 20 jours, l'éclosion a lieu de nuit. Le développement larvaire est rapide : 3 stades zoé* se succèdent en 5 à 6 jours, puis une larve mégalope* se transforme en petit crabe après environ 6 jours. Contrairement aux stades larvaires planctoniques qui sont plutôt photophiles*, le petit crabe fuit la lumière et s'installe au fond où il se nourrit de diatomées et débris divers, jusqu'à sa rencontre avec un oursin-hôte possible.
Quoique toutes les espèces d'oursins irréguliers des Antilles hébergent une ou plusieurs espèces de Pinnothéridés, seul Dissodactylus primitivus a été signalé sur les spatangues pourpres. L'association serait donc obligatoire au moins pour le crabe, et le taux de prévalence atteint ou dépasse 90 %. Les oursins parasités peuvent porter de 2 à 18 crabes, toutes générations confondues : du bébé crabe de 0,5 mm à la grosse femelle mature de près d'un centimètre de large.
Des adultes, mais très rarement des juvéniles, ont été trouvés aussi sur un oursin-cœur (Plagiobrissus grandis). Le cycle de vie du crabe-pois comprendrait ainsi un hôte obligatoire et un hôte facultatif.
Le nom de crabe-pois décrit sa petite taille et son aspect rondouillard. Bien qu'il existe une dizaine d'espèces des genres Dissodactylus et Clypeasterophilus fortement inféodées aux oursins de sable des Antilles, celui-ci est le seul à coloniser la spatangue pourpre Meoma ventricosa.
Dissodactylus : du grec [disso-] = double, divisé ; et [dactyl-] = doigt. Ce nom a été créé par S. I. Smith, en 1869 à cause d'une particularité des trois premières paires de pattes marcheuses : le dernier article (doigt) est divisé en deux et forme une espèce de fourche ou de pince fixe.
primitivus : du latin [primitivus] = premier, primitif. Cette espèce du genre Dissodactylus montre un développement important des maxillipèdes* postérieurs (palpes buccaux), avec un doigt bien distinct à l'extrémité du propodite* (dernier segment) : ce caractère a été interprété comme primitif par son descripteur Eugène Louis Bouvier car d'autres espèces plus spécialisées pour un hôte donné ont ces articles réduits, fusionnés ou perdus.
borradailei : ce nom avait été donné en hommage au Dr L. Boradalle, éminent carcinologiste américain.
Numéro d'entrée WoRMS : 422153
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Brachyura | Brachyoures | Les brachyoures ont un abdomen réduit replié sous le céphalothorax. Ils sont représentés par les crabes et les araignées de mer. |
Famille | Pinnotheridae | Pinnothéridés | Espèces de petite taille généralement commensales d’hôtes variés (holothuries, oursins, mollusques …) |
Genre | Dissodactylus | ||
Espèce | primitivus |
En place
La pince est bien serrée autour d'un piquant : est-ce simplement pour s'accrocher ou s'apprête-t-il à en faire son déjeuner ?
Les Saintes, (Guadeloupe)
2006
Zoom
Sa couleur claire lui permet de passer inaperçu parmi les traces de sable qui recouvrent le test de l'oursin.
Le Trou à l'Orage, Guadeloupe, 6 m
18/03/2007
A table
Judicieusement installé dans le sillon antérieur du test, ce crabe-pois est prêt à se servir dans le courant d'eau créé par l'oursin.
Martinique, 16 m
04/2006
Cohabitation
Il y en aura pour tout le monde ! Les crabes-pois tolèrent parfaitement la présence de congénères sur "leur" oursin, et même une certaine promiscuité.
Nord Caraïbes, Martinique, 8 m
Romain (OCEANvironnement) FERRY
13/02/2011
Autre hôte
Cet individu a été trouvé sous un dollar des sables Clypeaster subdepressus. On le voit ici sur la face aborale (supérieure) où il s'est réfugié après que l'oursin ait été dégagé du sable.
Anse 3 Airs, Martinique Sud
Romain (OCEANvironnement) FERRY
28/10/2012
Infestation massive
Ce malheureux oursin porte un nombre record de parasites de toutes tailles ! Les dégâts dus à cette infestation massive sont nettement visibles : piquants cassés, plaques chauves avec tégument abîmé, et même fragments de test mis à nu par endroits.
Cuba
2008
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Correcteur : Joseph POUPIN
Responsable régional : Anne PROUZET
Bouvier, M. E.-L, 1917, Gonoplacides et Pinnotherides nouveaux recueillis au cours des campagnes américaines du "Hassler" et du "Blake", Bulletin du Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris, 23 (5), 391-398.
Rathbun M.J., 1918, The grapsoid crabs of America, Bulletin of the United States National Museum, 97, 1–461.
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Telford M., 1978, Post-Larval Growth in Two Species of Dissodactylus (Brachyura: Pinnotheridae), Bulletin of Marine Science, 28 (4), 645-650.
Telford M., 1978, Distribution of two species of Dissodactylus (Brachyura: Pinnotheridae) among their echinoid host populations in Barbados, Bulletin of Marine Science, 28 (4), 651-658.
Telford M., 1982, Echinoderm Spine Structure, Feeding and Host Relationships of Four Species of Dissodactylus (Brachyura: Pinnotheridae), Bulletin of Marine Science, 32 (2), 584-594.
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De Bruyn C, 2008, Symbiosis between the pea crab Dissodactylus primitivus and its echinoid host Meoma ventricosa : potential consequences for the crab mating system, Marine Ecology Progress Series, 375, 173-183.
De Bruyn C., David B., De Ridder C., Rigaud T., 2010, Asymmetric exploitation of two echinoid host species by a parasitic pea crab and its consequences for the parasitic life cycle, Marine Ecology Progress Series, 398, 183-191.
La page de Dissodactylus primitivus dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN