Corail rouge de Méditerranée

Corallium rubrum | (Linnaeus, 1758)

N° 308

Méditerranée, Atlantique Sud

Clé d'identification

Colonie rigide, arborescente, pourvue de ramifications orientées selon plusieurs plans irréguliers, cylindriques et relativement courtes et disposées de toutes parts sur les rameaux
Squelette axial entièrement minéralisé
De couleur rouge, rose en grande profondeur et exceptionnellement blanche
Polypes blancs (5 mm) très protubérants, surmontés d'un disque buccal entouré de 8 tentacules pauvres en cellules urticantes
Sclérites visibles au microscope (50–100 µm), caractéristiques, en « os de chien »

Noms

Autres noms communs français

Sang de Neptune, corail des bijoutiers, corail de Sardaigne

Noms communs internationaux

Red Coral (GB), Corallo rosso (I), Coral rojo (E), Luft koralle (D)

Synonymes du nom scientifique actuel

Madrepora rubra (Linnaeus, 1766)
Isis nobilis (Pallas, 1767)
Corallium nobile (Ehrenberg, 1857)

Distribution géographique

Méditerranée, Atlantique Sud

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

Espèce plus ou moins endémique de Méditerranée, elle est localisée essentiellement dans la partie occidentale. Elle a également été signalée sur la côte Atlantique entre le Portugal et le Cap Vert.
Cette espèce était présente en Méditerranée au Miocène supérieur, il y a environ 8 millions d'années.

Biotope

Cette espèce est sessile*. C'est une espèce benthique* qui vit fixée sur des substrats durs.
Elle colonise les substrats rocheux relativement exposés à la lumière, en général sur les parois verticales de la biocénose* coralligène*. On retrouve ce corail à faibles profondeurs, au plafond des grottes, quand la luminosité diminue progressivement sous des surplombs rocheux, dans les excavations ou à la lisière des crevasses, sur les pentes douces.
On peut le rencontrer dès 5 m de profondeur de nos jours, mais il évolue plus spontanément par 30 ou 40 m de fond, jusqu'à 100 m. Il peut pousser jusqu'à 1000 m de profondeur (Knittweis et al. 2016).

Description

On rencontre cette espèce sous forme de colonie rigide, arborescente, pourvue de ramifications orientées selon plusieurs plans irréguliers, cylindriques, relativement courtes et disposées de toutes parts sur les rameaux.
Le coenenchyme* est de couleur rouge, rose en grande profondeur et exceptionnellement blanc, formé de carbonate de calcium cristallisé en calcite. Il recouvre le squelette axial entièrement minéralisé. Les anthocodiae* sont de couleur blanche. La couleur rouge est due à la présence de pigments, de type caroténoïde, dans les spicules et le squelette axial.
On peut observer sur la surface des polypes blancs (5 mm) très protubérants et surmontés d'un disque buccal entouré de 8 tentacules avec de petits prolongements, à symétrie bilatérale, pauvres en cellules urticantes.
Les polypes peuvent se rétracter complètement dans une loge : le calice. On distingue deux types de polypes qui se partagent différentes fonctions :
- ceux qui assurent la nutrition et la reproduction.
- ceux réduits en pores contractiles, qui assurent la circulation de l'eau dans les canaux endodermiques*.
La cavité digestive centrale et le pharynx sont cloisonnés par des membranes verticales symétriques. D'autre part, le pharynx est cloisonné par une gouttière ciliée : le siphonoglyphe* qui assure l'entrée de l'eau dans la cavité gastrique.
Il possède des polypes particuliers, réduits à des pores par où se font les échanges d'eau entre la colonie et le milieu.
Les colonies peuvent atteindre 20 cm (exceptionnellement 50 cm) pour une croissance moyenne de 1 à 8 mm par an. Pour une colonie de 10 cm de largeur, les branches peuvent atteindre 40 mm de diamètre. Les colonies bien éclairées sont souvent luxuriantes.
Une certaine qualité d'eau avec des paramètres de limpidité, d'agitation et de température (moyenne : 15 °C) est nécessaire pour assurer la viabilité de cette espèce.

Espèces ressemblantes

Le corail rouge peut être confondu avec le faux corail Myriapora truncata (Pallas , 1766) par leur port branchu. Cependant, ce dernier possède des branches se terminant de manière tronquée, sa couleur générale est orange et ses polypes restent plus petits de couleur orange, jamais blancs.

Alimentation

C'est un filtreur passif. La nourriture est prélevée par les tentacules des polypes alimentés par le courant qui filtrent l'eau. Il ne dispose pas d'un système de pompage. Par ailleurs, les polypes des colonies peuvent capturer des proies planctoniques par le biais de leur couronne de tentacules munis de cellules spécialisées : les cnidocytes*, valant à cette espèce un statut de carnivore. Cependant, ils peuvent également se nourrir de substances dissoutes dans l'eau de mer.

Reproduction - Multiplication

La reproduction est à la fois sexuée et asexuée. Bien que l'on ne puisse les différencier à l’œil nu (on ne peut qu'en période de fabrication des gamètes, en dissection), les sexes sont séparés : une colonie est ainsi soit femelle soit mâle. Chose exceptionnelle, le déterminisme sexuel est génétiquement programmé selon un codage proche de celui des mammifères (XX / XY) bien que ce système soit apparu indépendamment. C'est le premier exemple découvert ([Pratlong &al. 2017]) de ce type de déterminisme génétique chez des animaux non-bilatériens, le premier exemple où le sexe du nouvel individu est toujours déterminé par son génome !
La colonie arrive à maturité vers l'âge de 2 ans, alors qu'elle ne fait que quelques centimètres.
C'est au cours de la période estivale, entre juin et août que les polypes des colonies mâles émettent des spermatozoïdes en pleine eau qui nageront à la rencontre de polypes de colonies femelles, lieu de fécondation et de maturation des larves alors formées.
Chaque larve est expulsée dans l'eau de mer entre mi-juillet et début octobre selon la profondeur. Elle tombera pour venir se fixer au substrat et se métamorphoser après une quinzaine de jours.

C'est par reproduction asexuée, par bourgeonnement, que se développera chaque nouvelle colonie.
La croissance d'une colonie varie de 1 à 8 mm par an.

Vie associée

Il existe une interaction avec un crustacé. En effet il est possible d'observer en plongée une petite crevette (Balssia gasti (Bals. H 1921) ou Amphipalaemon gasti) sur les colonies de corail rouge. Mais les relations exactes qui lient ces deux espèces sont jusqu'ici inconnues.

Divers biologie

Sous l'eau, la compétition pour la colonisation de l'espace est forte, et s'accentue avec la durée de vie des organismes. La croissance en hauteur reste pour le corail un remède lui permettant d'atteindre les eaux superficielles mieux renouvelées. Par ailleurs, le corail rouge peut allonger un tentacule de polype pourvu de nématocystes qu'il utilise tel un fouet pour maintenir à distance son voisinage.

Si son stade juvénile est fragile, à taille adulte, le corail rouge a peu de prédateurs, si ce n'est l'homme qui le prélève ou détruit son habitat. On peut noter un mollusque gastéropode Pseudomonia carnea qui ne génère, cependant, que peu de dégâts.
La principale source de mortalité de l'espèce reste les organismes perforants tels que les cliones (éponges) qui percent le squelette du corail grâce à des sécrétions acides.

Le corail est une espèce sensible aux variations de température et aux eaux trop chaudes, ce qui explique son aire de répartition en Méditerranée.

Des techniques modernes d'analyse de la calcification tissulaire réalisées par une équipe de recherche Monégasque ont montré que le squelette axial s'épaissit de haut en bas de la colonie (grâce à un épithélium pourvu de scléroblastes).

On arrive à dater les colonies de corail existantes par une méthode qui consiste à dénombrer les anneaux les plus nombreux dans le squelette calcaire qui apparaissent dans la matrice organique après décalcification.
La vitesse de croissance varie selon le lieu et l'alimentation de la colonie, mais reste faible avec seulement quelques millimètres par an.
On ne sait pas combien de temps une colonie est capable de vivre et de sécréter son squelette, et bien qu'aucun maxima de taille ne soit répertorié, on a recensé des colonies pesant 3 kg.
Une colonie de quelques grammes peut avoir 20 ans...

De récents travaux (publiés en mars 2017) ont mis en évidence que le sexe du corail rouge est déterminé génétiquement par un système de type XY / XX comme chez les mammifères ! C'est le premier exemple de ce type chez les animaux non bilatériens, et il serait apparu indépendamment.

Informations complémentaires

Dans l'antiquité grecque, ce corail était considéré comme un végétal qui durcissait au contact de l'air (le lithodendron ou : ''arbre pierre''). La mythologie grecque raconte que c'est au contact de la tête de la méduse coupée par Persée, que les pousses molles de corail ont puisé la force de durcir à l'air, mythe qui va perdurer jusqu'au XVIème siècle.
Ainsi, cette nature minérale prévaut pendant une très longue période et il faut attendre le XVIIIème siècle et la période entre 1723 et 1725 avec les travaux de Peyssonnel qui reprit les expériences de Marsigli, pour que la nature animale des polypes soit démontrée et annule le statut de fleur. Cependant, Réamur s'oppose à la diffusion de cette découverte par l'Académie des Sciences et bien que publiée en Angleterre il faudra attendre 1742 et Bernard de Jussieu pour qu'elle soit reconnue ainsi.

Les preuves d'utilisation du corail rouge remontent au néolithique* avec des restes retrouvés dans des tombes. Cette espèce est un élément de l'histoire et de la culture méditerranéenne.
L'antiquité reste une période où l'homme voue une fascination au corail rouge, lui conférant : un rôle dans les traitements médicaux, des pouvoirs magiques et protecteurs via des amulettes, ainsi qu'une marque raffinée d'ornementation. Cependant, ces utilisations du corail se font loin des côtes méditerranéennes.
En effet, Marseille fut une grande ville d'exportation du corail par les routes commerciales de l'époque.
Elle fournissait l'Inde qui l'utilisait en pharmacologie. Mais le corail servait également de monnaie d'échange pour les épices, la soie et les perles. En Europe, il rentre dans la composition de médicaments homéopathiques après avoir été vanté par Dioscoride, Galien et Avicenne. Elle fournissait également les Celtes qui utilisaient le corail pour orner armures et armes.
Le Tibet et la Mongolie le vénéraient et l'utilisaient pour orner les parures des princesses et les masques cérémoniels des chamanes. L'Afrique n'est pas en reste, puisque le corail rouge est présent dans l'ornementation des bijoux des Berbères de l'Atlas marocain et de Kabylie et bien plus au sud où il orne les parures de rois.
Au fil du temps, il devient un véritable engouement et enjeu commercial, source de conflit pour son exploitation.
Nommé l'or rouge en bijouterie, il fait objet de transformation dans de nombreux ateliers de villes d'Europe (Barcelone, Marseille, Gènes, Livourne) avant que cette activité ne devienne la quasi-exclusivité de Torre Del Greco dans la région de Naples. Aujourd'hui encore, le corail est ainsi taillé puis revendu aux bijoutiers à des prix variables selon la grosseur des pièces et leur qualité.

Son mode de prélèvement a évolué au cours des siècles avec l'évolution des techniques. Bien qu'à l'antiquité la pêche soit manuelle et à faible profondeur, elle laisse place à la croix de ''Saint-André'' dès le Xème siècle, au salabre, à la gratte et à une version plus moderne de nos jours : une barre de fer traînant des chaînes avec des fauberts, tractée par un chalutier. Devant l'effet néfaste et destructeur occasionné par cette technique, la croix est interdite en France et dans la plupart des pays.
Cette exploitation du corail change de manière drastique dès les années 50, avec le développement de la plongée en autonomie et les améliorations apportées au matériel permettant d'atteindre des profondeurs toujours plus importantes.
Le métier de corailleur peut être très lucratif mais non sans risques, pratiqué aujourd'hui par des plongeurs scaphandriers classe 2B minimum, et 3B au delà de 60 m. Cette activité est dangereuse et dotée de règles définies précisant les conditions très restrictives pour accéder à la profession et obtenir le droit d'exercer auprès d'une commission d'attribution composée de représentants des affaires maritimes, de corailleurs professionnels et du comité régional des pêches. L'autorisation reste renouvelable tous les ans après présentation des statistiques de la pêche de la saison passée.
En raison d'une gestion des stocks utile pour préserver les ressources et en fonction des statistiques fournies par les corailleurs, la commission peut réduire le nombre d'autorisations, la durée de la saison de pêche ou la quantité de la collecte autorisée.

Même si le corail rouge est une ressource renouvelable puisque vivante, et malgré le fait qu'il soit fertile à très petite taille, devant la lenteur de sa croissance, il reste important d'instaurer une bonne gestion des stocks, et donc de limiter l'effort de pêche, et d'instituer un système de jachère des sites.
La mise en place de sanctuaires permanents sans aucune pression anthropique reste fondamentale au développement du corail rouge pour qu'il puisse croître jusqu'aux tailles maximales que l'espèce est capable d'atteindre.

[De nombreuses informations sont issues de l'article ''L'or rouge : un objet de fascination'', de Jo Harmelin trouvé sur le site internet www.futura-sciences.com]

Statuts de conservation et réglementations diverses

Le corail rouge ne fait pas partie des espèces protégées de Méditerranée qui sont très peu nombreuses, mais des espèces dont la pêche est réglementée.
Il est inscrit en annexe III de la convention de Berne et en annexe III de la convention de Barcelone.

Origine des noms

Origine du nom français

Nom directement traduit du latin.

Origine du nom scientifique

Corallium : du latin [corallium] = corail

rubrum : du latin [rubrum] = rouge.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Cnidaria Cnidaires

Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula.

Classe Anthozoa Anthozoaires Cnidaires exclusivement marins, solitaires ou coloniaux, uniquement sous la forme polype (jamais de phase méduse dans le cycle de vie).
Sous-classe Octocorallia / Alcyonaria Octocoralliaires / Alcyonaires Anthozoaires coloniaux, parfois solitaires. Polypes de petite taille à symétrie radiaire d’ordre 8 (8 tentacules portant 2 rangées de pinnules). Exosquelette calcaire ou spicules calcaires ou fibres organiques.
Ordre Alcyonacea Alcyonacés Octocoralliaires dont les polypes sont enfouis dans un coenosarc épais plus ou moins calcifié. Polypes allongés qui restent accolés les uns aux autres en bouquets. Spicules fusiformes et épineux. Ce groupe renferme les alcyons (ou coraux mous), les gorgones, et les coraux vrais.
Sous-ordre Scleraxonia Scléraxonides / Corallides Colonies ramifiées aux polypes courts sécrétant un squelette axial (de spicules cimentés ou de fibres organiques). Ce sont les coraux vrais.
Famille Corallidae Corallidés
Genre Corallium
Espèce rubrum

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