Corps allongé, étroit et rectiligne
Pied se terminant en pointe fine
Manteau étroit et épais
Manteau à 4 couleurs : orange, noir, blanc et bleu
Rhinophores et panache branchial orange foncé
Longueur maximale : 5 cm
Doris à quatre couleurs, nudibranche pyjama
Pyjama slug (GB), Cromodoride del mar Rosso (I), Babosa pijama (E)
Doris quadricolor Rüppell & Leuckart, 1830
Ouest de l'océan Indien, mer Rouge, Méditerranée orientale
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]Ce doris est originaire de mer Rouge et des côtes ouest de l'océan Indien (jusqu'à la latitude de la Tanzanie). Il est aujourd'hui présent en Méditerranée orientale (espèce lesseptienne*).
Il est fréquemment rencontré sur substrats* durs, récifs ou coralligène, en particulier sur les éponges dont il se nourrit, entre 5 et 30 m de profondeur.
Ce doris a un corps allongé, droit et étroit, d'aspect général lisse et plat. Il peut atteindre 5 cm de long. A l'arrière, le pied se termine en une pointe effilée.
Les 4 couleurs du manteau* sont une clé d'identification : la périphérie est marquée d'un très fin liseré blanc et d'une épaisse marge jaune-orangé, puis d'un nouveau cercle blanc intérieur, fin et s'épaississant à l'avant, devant les rhinophores*. Le centre du manteau est rayé de 3 bandes longitudinales noires, épaisses, alternant avec 2 bandes longitudinales bleu opalescent, plus fines. La présence des reflets bleus est capitale dans l'identification mais, malheureusement, pas toujours visible sur les photos.
Ces lignes colorées se retrouvent sur le pied. Celui-ci est bien visible car le manteau est étroit et donc peu recouvrant. Il est également épais et rigide au toucher.
Les rhinophores sont lamellés sur leur sommet. Ils sont orange foncé et translucides tout comme le panache branchial. Celui-ci est plutôt dense.
Il faut préciser que cette description est un peu théorique et que certains individus ne présentent pas l'ensemble de ces critères.
Le groupe des "Chromodoris striés" ("black lined") usant de couleurs similaires (orange, blanc / bleu et noir) comprend plusieurs espèces, parfois très proches et pas toujours faciles à distinguer. Citons néanmoins :
Chromodoris africana Eliot, 1904, est très proche de C. quadricolor dont il partage une bonne partie de la distribution africaine et a été longtemps une source de confusion. Ce doris africain est beaucoup plus trapu, presque de forme ovale. Il n'a que 3 couleurs (le bleu est absent, remplacé par du blanc) mais les bandes de couleurs sont réparties à peu près de la même façon, sans néanmoins la présence du très fin liseré blanc extérieur. Les 3 bandes noires sont plus larges. Théoriquement, le cercle interne blanc est plus épais. Enfin, le manteau est large et très fin, peu rigide au toucher, contrairement au manteau épais de C. quadricolor.
Chromodoris magnifica (Quoy & Gaimard, 1832), présent dans le Pacifique occidental (Malaisie, Indonésie, des Philippines au Japon, Papouasie-Nouvelle Guinée et Australie, ce qui aide à le distinguer du doris-pyjama), est proche de C. quadricolor comme de C. africana. Il n'a que 3 couleurs et le bleu central sur le manteau n'apparaît pas ici non plus. Le liseré blanc externe a une certaine épaisseur.
Chromodoris strigata Rudman, 1982, dont la distribution recoupe en zones africaines celle de C. quadricolor, montre un pourtour du manteau orange clair et des lignes longitudinales noires, généralement assez fines, sur un notum* blanc. Mais le manteau paraît afficher sur ses zones claires comme un "jeu d'ombres et de lumières", grises, assez identifiables et absentes sur le doris-pyjama.
Chromodoris hamiltoni Rudman, 1977, fréquente les mêmes eaux africaines que C. africana (à l'exception de la mer Rouge). Les couleurs sont les mêmes avec le centre du notum* qui se teinte de bleu pâle. Mais il y a souvent un peu de pigments orange diffus entre les lignes noires.
Chromodoris colemani Rudman, 1982, est une espèce que l'on peut rencontrer dans les Philippines, du Japon aux îles Marshall, ainsi qu'en Papouasie-Nouvelle Guinée et en Australie. Il a souvent le centre du manteau bleu mais présente généralement des lignes orange bien visibles s'intercalant entre les bandes noires.
Chromodoris michaeli Gosliner & Behrens, 1998 est connu en Indonésie et aux Philippines. Le manteau est très ressemblant à celui de C. quadricolor mais la ligne centrale noire est discontinue, formant parfois même plutôt des points ou des taches. Rhinophores et branchies sont orange clair.
Plusieurs espèces de Chromodoris montrent aussi un dos bleu avec des lignes longitudinales noires. Mais soit le pourtour du manteau n'est pas orange (C. lochi, C. boucheti, C. willani…), soit le bleu du manteau est trop soutenu pour qu'il puisse s'agir de Chromodoris quadricolor (C. annae, C. elisabethina…).
Un certain nombre d'autres espèces ressemblantes, à moins que ce ne soit des variantes des espèces supra, sont encore en mal d'identification.
Ce doris se nourrit d'éponges rouges (Latrunculia spp., Negombata spp.) et d'éponges gris foncé (Semitaspongia sp.) qui contiennent des toxines (latrunculines) que le nudibranche stocke dans les glandes du manteau comme éléments de défense.
Les nudibranches se reproduisent par voie sexuée. Ils sont hermaphrodites* et ovipares*.
L’accouplement se fait toujours deux à deux dans un rapport proximal, les individus se présentant tête-bêche sur leur côté droit. En effet, les organes de reproduction, de couleur orange chez Chromodoris quadricolor, débouchent derrière la partie céphalique, sur le côté droit du pied.
Entrés en contact, les deux partenaires échangent leurs spermatozoïdes respectifs puis se quittent. La fécondation est interne et chacun pond ensuite de son côté.
La ponte de C. quadricolor se présente sous la forme d'un ruban large et plat, grisâtre et translucide, disposé sur le rocher, à proximité d'une des éponges-proies.
Selon les régions, ce doris est souvent posé sur une éponge rouge, branchue ou en éventail, ou sur une éponge grise en boule.
Les mollusques opisthobranches possèdent dans la cavité buccale une sorte de bande râpeuse qui leur sert à s'alimenter, en agissant comme une râpe sur les spongiaires constituant leur nourriture. C'est la radula*. Cet élément est constitué de plusieurs rangées de petites dents dont l'organisation est un élément déterminant dans la nomenclature, la disposition des denticules étant propre à chaque espèce.
Les deux rhinophores situés sur la tête des nudibranches sont des organes chimio-sensoriels. Ils procurent à l'animal des informations sur l'environnement grâce à l'analyse des molécules chimiques contenues dans l'eau.
La plupart des Chromodoris (c'est le sens de leur nom scientifique et c'est donc le cas pour notre Chromodoris quadricolor) affichent des couleurs et des motifs extrêmement voyants. Quand on sait que ces animaux sécrètent une substance chimique, produite à partir de leur alimentation en spongiaires (notamment la toxine latrunculine extraite des porifères Latrunculiidés), qui les rend impropres à la consommation, soit immangeables, soit toxiques, on comprend qu'ils tiennent à le faire savoir à d'éventuels prédateurs. C'est la fonction (dite aposématique*) de ces robes remarquables que de dire : "N'essayez même pas de me goûter, je suis dangereux !".
Bien que ce point n'apparaisse dans aucune des descriptions du doris-pyjama, on remarque sur la majorité des photos de cette fiche que les feuillets jaune foncé du panache branchial sont surlignées d'un très fin liseré blanc. Est-ce un caractère constant ou simplement occasionnel ?
Les différentes espèces se ressemblant peuvent également produire des variantes de motifs comme de couleurs, rendant plus complexe encore la discrimination et c'est d'autant plus flagrant dans ce groupe artificiel aux caractéristiques visuelles proches des "chromodoris striés" auquel on associe Chromodoris quadricolor. C'est pour cela qu'il est fort utile pour la taxonomie de découvrir la nature exacte des proies consommées par chaque espèce ainsi que les caractéristiques des pontes respectives. En l'espèce, la nature particulière des pontes de C. quadricolor, aussi plates et translucides, semble une curiosité dans la grande famille des Chromodorididés.
Le premier spécimen répertorié en Méditerranée l'a été en 1986 d'après une découverte à 30 m de profondeur, en mer Ligure (à Capo Mortola, Imperia, Italie). C. quadricolor a été depuis rencontré sur la côte turque (près d'Antalya) par 15 m de fond ; sur la côte tunisienne également. Pour les premières rencontres, l'hypothèse d'introductions accidentelles (ou pas : les nudibranches sont quasiment impossibles à maintenir en aquarium et posent de gros problèmes) depuis des aquariums tropicaux a été posée par certains chercheurs, alors que d'autres scientifiques assurent une migration lesseptienne. Il semble que les nouvelles rencontres accréditent cette dernière position [Öztürk & Can 2006].
Doris-pyjama : les rayures du manteau rappellent sans doute la "livrée" classique d'un pyjama...
Chromodoris : du grec [chrom-] = couleur ; et du grec [Doris] = Océanide fille d'Océan et de Téthys, épouse de Nérée et mère des 50 néréides ; donc doris de couleurs vives ;
quadricolor : du latin, pour les quatre couleurs (orange, noir, blanc et bleu) visibles sur le manteau.
Numéro d'entrée WoRMS : 139143
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Nudipleura | Nudipleures | |
Ordre | Nudibranchia | Nudibranches | Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre. |
Sous-ordre | Doridina | Doridiens | Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes. |
Famille | Chromodorididae | Chromodorididés | Doridiens au corps mou allongé et étroit, à coloration vive. Dos en général lisse, bord du manteau développé à l’avant. Pied effilé à l’arrière, dépassant du manteau. Rhinophores lamellés, tentacules buccaux courts et coniques, branchies pennées. |
Sous-famille | Chromodoridinae | Chromodoridinés | |
Genre | Chromodoris | ||
Espèce | quadricolor |
Manteau court
Le manteau est peu couvrant. Les rhinophores sont lamellés sur leur sommet. Ils sont orange foncé tout comme le panache branchial. Celui-ci est assez dense.
Mer Rouge, 10 m
2008
Gros plan
Le cercle blanc intérieur, fin, s'épaissit à l'avant, devant les rhinophores. Sur cet individu, les bandes bleues se sont dédoublées en arrière de ces rhinophores.
Mer Rouge (Egypte), Moon Valley
12/04/2000
Couple
Les 4 couleurs du doris-pyjama : la périphérie est marquée d'un très fin liseré blanc et d'un épais cercle jaune-orangé, puis d'un nouveau cercle blanc intérieur, fin. Le centre du manteau est rayé de 3 bandes longitudinales noires, épaisses, alternant avec 2 bandes longitudinales bleu opalescent.
Harod El Khalel, Djibouti, 10 m
22/11/2009
Nourriture
Il est classiquement décrit que ce doris se nourrit de l'éponge rouge Latrunculia magnifica. Mais Bill Rudman précise qu'il peut s'agir aussi de Negombata magnifica, sans que l'on puisse les distinguer. Par ailleurs, il a recensé de nombreux clichés où ce doris est posé sur une éponge grise Semitaspongia sp. Il tend à montrer que cette éponge fait aussi partie du régime du doris-pyjama.
Harod El Khalel, Djibouti, 10 m
21/11/2009
Escalade du récif
Chromodoris quadricolor est généralement rencontré sur substrats durs, récifs ou coralligène.
Sha'ab Malahi, Fury shoal, sud Egypte, mer Rouge, 17 m
17/10/2008
Sur une éponge rouge branchue
Ces doris s'attaquent à la forme branchue de Latrunculia magnifica.
Shaab Sheer, Safaga, Egypte
27/03/2003
Manteau étroit et allongé
La forme du manteau, étroite, droite et allongée, permet de définir Chromodoris quadricolor.
Tombant Malahi, Egypte, 15 m
26/11/2008
Dessins originaux
La livrée de ce doris-pyjama est particulière car, sur pratiquement toute leur longueur, les bandes bleues du manteau sont fendues en deux, laissant apparaître une ligne noire.
Safaga, Egypte, 10 m
30/09/2007
Individu très pâle
Les couleurs de celui-ci sont plus pâles qu'à l'accoutumée mais leur nombre et leur disposition sont bien typiques.
Mer Rouge
2009
Sur substrat dur
Le très fin liseré blanc, continu sur l'extérieur du manteau, est bien visible.
Safaga, Egypte, 15 m
11/10/2009
Panache replié
L'arrière du pied, effilé, est toujours apparent. Le panache orange, habituellement dense, est ici replié.
Mer Rouge
10/2008
Bleu
Les bandes claires du manteau sont particulièrement bleues sur ce doris.
Djibouti, Golfe d'Aden, 15 m
1985
Attitude
Cette attitude dressée (position d'alerte ou de repérage) est souvent rapportée par les plongeurs.
Epave Thistlegorm, Egypte, 27 m
04/05/2004
Ventre
Grâce à la pose que prend cet animal, on peut voir que les dessins du manteau se retrouvent aussi sur le pied.
Mer Rouge, 10 m
05/2001
En mer Rouge
Surpris dans une épave, ce doris-pyjama montre bien le fin liseré blanc qui fait le tour du manteau, ainsi que la couleur bleue sur le notum. On observe très souvent un liseré clair sur les feuilles branchiales mais celui-ci ne semble pas apparaître dans les descriptions sommaires de l'espèce. Ne serait-ce qu'un caractère occasionnel ?
Epave du Tienstin, Abu Galawa, Fury Shoal, Egypte, 15 m
17/10/2008
Rédacteur principal : Sylvie DIDIERLAURENT
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
Cattaneo-Vietti R., 1986, On the probable presence of Chromodoris quadricolor (Mollusca: Nudibranchia) in the Mediterranean sea, Bollettino Malacologico, 22, 167-168.
Öztürk B. & Can A., 2006, Indo-Pacific gastropod species in the Levantine and Aegean Seas, Aquatic invasion, 1, 76-79.
Rudman, W.B., 1999 (April 11) Chromodoris quadricolor (Ruppell & Leuckart, 1828). [In] Sea Slug Forum. Australian Museum, Sydney.