Caprelle japonaise

Caprella mutica | Schurin, 1935

N° 4445

Mer du Japon, Atlantique Nord, mer du Nord, Pacifique

Clé d'identification

Crustacé filiforme d’apparence squelettique
Appendices allongés, longues antennes robustes
Petites épines visibles sur les principaux segments du corps
Mâles plus grands que les femelles, avec segments plus longs et griffes plus grandes
Corps souvent tacheté de rouge chez les adultes
Attaché au substrat par les appendices postérieurs
Souvent en grands groupes

Noms

Autres noms communs français

Caprelle squelettique japonaise.
Le mot "chevrolle" a été très utilisé au XIXème siècle pour désigner différentes espèces de caprelles.
Pour désigner cette espèce-ci, DORIS conserve le nom retenu par l'INPN : caprelle japonaise.

Noms communs internationaux

Japanese skeleton shrimp (GB), Asiatische Gespensterkrebse (D), Harig spookkreeftje, Machospookkreeft (NL), Japansk spøkelseskreps (Norvégien)

Synonymes du nom scientifique actuel

Caprella macho Platvoet, de Bruyne & Gmelig Meyling, 1995
Caprella muticum (erreur occasionnelle)

Distribution géographique

Mer du Japon, Atlantique Nord, mer du Nord, Pacifique

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Caprella mutica a été décrite comme espèce indigène par Schurin en 1935 en Russie (golfe de Pierre le Grand, mer du Japon). Cependant, elle est considérée comme une des espèces invasives dont la propagation est la plus rapide en Europe. Ainsi, ces cinquante dernières années, C. mutica a été trouvée sur trois continents en sus de son continent d’origine.
La dispersion primaire de C. mutica serait liée au transport d’organismes pour l’aquaculture, aux salissures sur les coques des navires et aux eaux de ballast.
La dispersion secondaire de l’espèce le long des côtes pourrait être assurée par la navigation commerciale et de plaisance, la dérive des individus sur des macroalgues et des débris flottants.
Les populations de C.mutica associées aux zones d'intenses activités humaines sont généralement denses..

Biotope

Les caprelles colonisent volontiers des structures filamenteuses ou arborescentes telles les algues, les hydrozoaires et les bryozoaires. Dans son habitat d'origine, la mer du Japon, C. mutica est présente dans l'espace infralittoral* entre 0,7 m et 13 m de profondeur, dans des herbiers de zostères marines ou d’algues et sur les macroalgues dérivantes, comme Sargassum muticum. Cette algue, qui peut coloniser l'huître japonaise Magallana gigas, est également invasive. La conchyliculture est ainsi soupçonnée d'être un vecteur de dispersion de C. mutica.
Dans ses eaux d’adoption de l’hémisphère nord, C. mutica est surtout, voire uniquement, retrouvée sur des structures artificielles comme des filets, cordages et cages utilisés en aquaculture, des pontons de marinas et de ports, des plateformes de forage pétrolier et des bouées de navigation. Les substrats* artificiels pourraient constituer un habitat transitoire où C. mutica s’acclimaterait quelques années avant de se propager dans les habitats naturels de son nouvel environnement.
La tolérance de C. mutica à une gamme étendue de températures et de salinités en fait une candidate idéale pour l’introduction et la survie aux latitudes tempérées à subarctiques, où seuls les milieux saumâtres (par exemple, les têtes d’estuaires) lui seraient inhospitaliers.

Description

La longueur totale des caprelles est mesurée de l’extrémité antérieure de la tête jusqu’à l’extrémité postérieure de l’abdomen*. Les mâles matures de C. mutica peuvent approcher ou dépasser 50 mm de longueur totale. Les femelles seront environ deux fois plus petites.
Le corps peut être divisé en trois parties : la tête (céphalon*), le thorax (péréion*) et l'abdomen.
La tête est sphérique ou ovale et dépourvue d’épines ou tubercules. Le thorax est divisé en sept segments et représente la majeure partie de la longueur du corps. La tête est soudée au premier segment thoracique tandis que l'abdomen, très petit, prolonge l'extrémité du septième segment.

Chez les mâles, les deux premiers segments thoraciques sont allongés, le deuxième étant le plus long de tous.
La présence de longues soies* leur donne une apparence poilue. Le deuxième segment porte deux à trois paires d'épines sur le dos, avec deux paires additionnelles sur les côtés près de la base des membres. Les segments restants (troisième à septième) ne portent pas de soies denses mais sont pourvues d'épines tant dorsales que ventrales.
Les femelles diffèrent des mâles par des segments thoraciques beaucoup plus courts plutôt dépourvus de soies. L'ensemble tête-premier segment thoracique peut posséder une seule paire d'épines.

C. mutica
possède deux paires d'antennes*, la première paire représentant plus de la moitié de la longueur totale du corps. Les segments des pédoncules* (base) sont trois fois plus longs que les flagelles ("fouets" aux extrémités des antennes). La deuxième paire d'antennes est inférieure à la moitié de la longueur de la première paire. Elles possèdent deux rangées de longues soies sur les faces ventrales des segments de leur pédoncule.
Les mandibules* et les maxillules* sont présentes à la face antérieure ventrale de la tête. Les maxillipèdes*, une paire modifiée d'appendices, servent également de pièces buccales accessoires.
Les appendices qui proviennent des segments thoraciques sont des péréiopodes* (pattes-mâchoires ou marcheuses).

Les deux premières paires, appendices de préhension, sont appelés gnathopodes*.
Ils ressemblent un peu aux pattes ravisseuses des mantes-religieuses. La deuxième paire de gnathopodes est très grande et porte deux grandes épines.
Les troisième et quatrième péréiopodes sont absents et remplacés par deux paires de branchies* ovales allongées
Chez les femelles matures, deux poches marsupiales (utiles pour la reproduction) se développent également au niveau de ces segments. Ces poches sont formées par des oostégites* (expansions en forme de plaques à partir des segments basaux des appendices).
Les appendices V à VII, de longueur croissante, sont utilisés par l'animal pour s'accrocher à son substrat.

Espèces ressemblantes

Les caprelles subissent d’importants changements de forme au cours de leur développement et de leur maturation. Cela rend leur taxonomie très complexe et il n’est donc pas rare que les jeunes et les adultes d’une même espèce soient attribués à deux espèces différentes. Ainsi, de manière générale, il est très difficile d'identifier les caprelles à l'œil nu.

  • Sur la côte atlantique (Amérique du Nord et Europe), C. linearis est probablement l’espèce qui s’approche le plus en apparence de C. mutica. Les deux espèces partagent plusieurs caractéristiques générales et quelques différences qui nécessitent une observation après échantillonnage. Cependant, la taille maximale des mâles de C. linearis serait d’environ 22 mm de longueur totale, taille de beaucoup inférieure à celle de C. mutica.
  • Du côté pacifique, C. mutica pourra être confondue avec C. laeviuscula ou C. acanthogaster.
    C. mutica ne peut être différenciée de façon fiable de C. acanthogaster que par ses premier et second segments thoraciques (lisses chez C. acanthogaster et velues chez C. mutica), ainsi que par la forme de ses branchies (linéaire chez C. acanthogaster et ovale allongée chez C. mutica).

Alimentation

C. mutica est omnivore opportuniste et consomme essentiellement les organismes associés à son substrat parmi lesquels des diatomées (végétaux unicellulaires microscopiques), des petits crustacés de type copépodes et des détritus.
Ces caprelles peuvent être brouteuses, filtreuses*, racleuses ou détritivore*-nécrophage* selon les circonstances ou le stade de développement.
En captivité, C. mutica pratique volontiers la nécrophagie cannibale ou même la prédation cannibale. Sa flexibilité alimentaire, tant en choix de proies qu'en mode d'alimentation, lui confère une grande adaptabilité et favorise sa capacité invasive.

Reproduction - Multiplication

Comme tous les crustacés, les femelles ne sont capables de s'accoupler que peu de temps après la mue*.
Les mâles touchent de façon répétée les exosquelettes* des femelles avec leurs antennes pour détecter les signes de mue (exuviation*). L'accouplement dure de 10 à 15 minutes. Une fois accouplés, les mâles défendent les femelles pendant une courte période (environ 15 minutes). Après cette période, les femelles montrent un comportement agressif et chassent les mâles.
Elles vont ensuite aligner leurs orifices génitaux (situés sur le cinquième segment thoracique) avec l'ouverture des poches marsupiales pour y déposer des œufs fécondés. Leur nombre peut varier entre 15 et 363 par femelle (74 œufs en moyenne) chez C. mutica et il existe une corrélation positive entre la fécondité et la longueur des femelles.

L’incubation des œufs dure de 30 à 40 jours à des températures variant entre 13 et 17 ºC et 60 jours à une température variant entre 0 et 2 ºC. Il peut y avoir deux périodes annuelles de reproduction, l’une au printemps, de mars à mai, et l’autre à l’été, de juin à juillet, donnant lieu à deux générations par années.

Comme tous les amphipodes, les caprelles n'ont pas de stade larvaire* planctonique*. Le développement est dit "direct" et les nouveau-nés ressemblent à des adultes miniatures.
Les juvéniles mesurent environ 1,3 à 1,8 mm et croissent en moyenne de 0,4 à 0,9 mm par stade de mues successives (une fois par semaine). C. mutica devient sexuellement différenciée au cinquième stade de développement. Les femelles peuvent muer plusieurs fois à l'âge adulte, devenant sexuellement réceptives à chaque mue jusqu'à la mort.

Le dimorphisme sexuel de taille et de forme est très net chez C. mutica !
Les mâles se battent en présence de femelles réceptives à l'accouplement. Ces rencontres se terminent souvent par la mort d'un des protagonistes car la deuxième paire d'appendices, munie de dents empoisonnées, peut être utilisée pour empaler ou trancher un adversaire en deux.
Cette concurrence conduisant à une forte mortalité masculine pourrait expliquer pourquoi les populations sauvages de C. mutica montrent un nombre plus élevé de femelles que de mâles. En sus, leur taille plus grande rend les mâles plus visibles et donc plus vulnérables vis-à-vis des prédateurs.

Vie associée

C. mutica et les caprelles en général sont de piètres nageurs et peuvent passer leur vie entière agrippées au substrat en position dressée.
Dans son habitat natif, C. mutica sera communément retrouvée sur des touffes fixées ou flottantes de macroalgues de type Sargassum muticum, S. miyabei, S. pallidum, Neorhodomela larix, Polysiphonia morrowii, Cystoseira crassipes, Laminaria japonica, Chrondrus spp. et Desmarestia viridis. Elle apprécie aussi les plantes marines telles que les zostères ainsi que les hydrozoaires ou les bryozoaires.

Dans ses habitats d'introduction, elle tend à rechercher des organismes qui lui permettront de se camoufler. Cela inclut des macroalgues comme Ulva lactuca, Ceramium spp., Plocamium spp., Cladophora spp., Chorda filum, Fucus vesiculosus, Pylaiella spp. ou encore des hydrozoaires comme Obelia spp. et Tubularia indivisa, des bryozoaires, des amphipodes constructeurs de tubes comme Monocorophium acherusicum et Jassa marmorata. On la retrouve aussi sur des tuniciers à corps mou comme Ascidiella aspersa et Ciona intestinalis.

Divers biologie

La durée de vie moyenne de C. mutica en laboratoire est de 68,8 jours pour les mâles et de 82 jours pour les femelles.

La fréquente association entre certaines espèces de caprelles et des hydrozoaires a mené à l’hypothèse d’une relation de commensalisme*, les caprelles se nourrissant à même les particules ou organismes captés par les hydrozoaires ou même de mutualisme* par lequel les hydrozoaires bénéficient d’une certaine protection offerte par les caprelles contre les nudibranches éolidiens.

C. mutica
est riche en acides gras polyinsaturés et en caroténoïdes*. Sa relative abondance et son taux de croissance rapide en font une proie de choix pour de nombreux organismes comme les poissons ou les crabes. Parmi les autres prédateurs possibles, on pourra citer des nudibranches, des étoiles de mer, des vers némertes, des anémones et des hydrozoaires.

Informations complémentaires

C. mutica a une très forte tolérance vis-à-vis des contraintes environnementales. Elle possède une croissance rapide et un taux de reproduction élevé. Son caractère agressif ainsi qu'une diète flexible et un fort commensalisme avec les activités humaines en font un excellent envahisseur.

Origine des noms

Origine du nom français

Caprelle japonaise : traduction du nom anglais, qui met en avant son origine géographique.

Origine du nom scientifique

Caprella : du latin [capra] = chèvre ou petite chèvre. Diminutif.
Les mouvements de la caprelle pour retrouver un support quand elle en a été détachée pourraient évoquer des sauts de chèvre ou de cabri (supposition des rédacteurs).

mutica : du latin [muticus] = qui a subi une mutilation, peut s'interpréter comme émoussé, épointé.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Peracarida Péracarides Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes.
Ordre Amphipoda Amphipodes Péracarides comprimés latéralement, dépourvus de carapace, et possédant de nombreuses paires d'appendices souvent modifiés. Ils sont représentés par les gammares, les talitres, les caprelles...
Sous-ordre Senticaudata
Famille Caprellidae Caprellidés
Genre Caprella
Espèce mutica

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