Crustacé ressemblant à un cloporte géant
Longueur de 30-35 cm à la taille adulte
Possède plusieurs segments articulés imbriqués
Grands yeux noirs triangulaires non pédonculés
Extrémité arrière de l’abdomen présentant un bouclier caudal aplati prolongé par une série de pointes
Vit dans les profondeurs abyssales jusqu'à - 2300 m
Giant isopod (GB), Bathynomus (I), Isópodo gigante (E), Die Riesenasseln (D)
Atlantique Ouest, tout au long des côtes américaines, des Etats-Unis au Brésil, y compris les Caraïbes
Zones DORIS : ● Caraïbes, ● Atlantique Nord-OuestL'espèce est présente dans tout l'Atlantique Ouest, depuis le nord des Etats-Unis jusqu'au sud du Brésil, en passant par les Antilles françaises, en mer des Caraïbes. Sa présence est possible en Guyane.
Espèce benthique* vivant sur le talus continental, habituellement entre 310 et 2300 m de profondeur. Des individus ont néanmoins été remontés de zones à 150-200 m de fond en Guadeloupe. Ils vivent généralement sur un fond sableux voire détritique*.
Cette espèce abyssale* ne peut donc pas s'observer en plongée sous-marine.
Bathynomus giganteus est le plus grand isopode connu. C’est un crustacé ressemblant à un cloporte géant mesurant généralement 30 à 35 cm à la taille adulte mais pouvant aller jusqu’à 50 cm. Il possède plusieurs segments articulés qui, imbriqués les uns avec les autres, forment une carapace solide.
Le premier segment thoracique est fusionné avec la tête (céphalothorax*). Il possède 2 antennes* avec exopodites* très peu développés. Ses grands yeux noirs triangulaires sont dépourvus de pédoncule* (contrairement aux crabes, aux crevettes ou aux squilles).
La première paire d’appendices thoraciques est spécialisée en ce qu’on appelle maxillipèdes* ou « pied-mâchoires » impliqués dans la nutrition (mastication).
En plus des 7 paires de pattes locomotrices (péréiopodes*), cet isopode est équipé de 5 paires de palettes natatoires (pléopodes*) qui jouent surtout le rôle de branchies*.
L’extrémité arrière de l’abdomen* présente un large bouclier caudal aplati (le telson*) protégeant les uropodes* (palettes mobiles de part et d’autre du telson). Ce bouclier est muni d'une carène* arrondie médiane et porte une série de 12 à 14 épines terminales.
Bathynomus giganteus peut être confondue avec d'autres espèces d’isopodes géants comme Bathynomus maxeyorum aux Bahamas, ainsi que Bathynomus miyarei et Bathynomus obtusus au large du Brésil.
Dans l'Indo-Pacifique inter-tropical, Bathynomus crosnieri est présent dans le secteur des Mascareignes-Madagascar et des Comores et pourrait donc se rencontrer à Mayotte, voire à La Réunion. Bathynomus richeri se rencontre au large de la Nouvelle-Calédonie. Bathonymus raksasa a été décrite de l'Indonésie en 2020...
Il existe au moins une douzaine d'autres espèces de Bathynomus en dehors des eaux françaises. Elles sont très proches morphologiquement et difficiles à identifier au niveau de l'espèce.
Bathynomus giganteus est carnivore et se nourrit principalement de poissons, de céphalopodes et de décapodes, mais il peut grandement varier son alimentation avec des animaux sessiles* et lents, tels que les échinodermes et les tuniciers. Sa bouche est capable de couper et d’avaler de gros morceaux de nourriture.
Il est considéré comme étant principalement charognard (mangeant des animaux morts) mais de nombreux poissons pris dans des filets profonds ont été remontés parfois vivants avec des bathynomes ayant pénétré à l’intérieur du corps par un orifice naturel ou un trou pratiqué avec leurs mâchoires acérées : dès que les poissons sont immobilisés, les bathynomes commencent à se nourrir et même pris eux-mêmes dans les filets, ils peuvent s'y montrer voraces avec ce qui les entoure. Son statut de nécrophage* est donc sans doute à tempérer. D'autant que, vivant sur le plancher océanique, l'apport de la neige* organique doit participer à l'alimentation de ces animaux profonds, en en faisant également des saprophages*. L'on sait, grâce à des maintiens en aquarium, que les bathynomes sont probablement capables de longues périodes de jeûne, sans que leur santé n'en soit affectée. Ceci est sans doute dû à la relative rareté des proies sur le plancher océanique. Compte tenu de tout cela, on peut aussi parler, pour les bathynomes géants d'opportunisme alimentaire.
Ce qui est sûr de la reproduction des bathynomes géants américains résulte d'études sur des spécimens prélevés en profondeur.
Il semble que cette reproduction soit saisonnière, principalement en hiver et au printemps, cette saisonnalité étant probablement dictée par l'affluence de nourriture selon les saisons. La reproduction du bathynome a été documentée notamment par Perry et Hinsch (1991) et plus récemment par Barradas-Ortiz et coll. (2003) pour des individus de la péninsule du Yucatan (Mexique).
La femelle est caractérisée par la présence d'un marsupium* (un sac abdominal abritant les œufs) formé par les oostégites*, les parties plates et évasées des segments proximaux des pattes. Elle subit une mue dite "de parturition" (mise-bas) avant la ponte. L'individu passera par plusieurs stades larvaires*, puis le stade manca*, et différentes mues de juvénile le mèneront au stade adulte.
On peut retrouver sur B. giganteus des épizoaires* divers. Citons par exemple le cirripède Octolasmis geryonophila, un gastéropode du genre Mitrella et des vers annélides, tubicoles ou errants, ainsi que des hydrozoaires.
Les courbes de relation taille/poids des Bathynomus giganteus indiquent toutes un poids d'environ 1 kg pour
L’étude de Chamberlain et coll. (1986) portant sur les yeux particuliers de Bathynomus giganteus a révélé que leur rôle était certainement de trouver des sources de lumière dans l'obscurité des profondeurs mais également d’estimer les distances. Chacun des yeux est composé d'environ 3 500 ommatidies* et une cornée* plate côté externe et convexe côté externe. Des cellules réfléchissantes tapissent la rétine, ce qui permet la vision dans l'obscurité. L'étude a néanmoins montré aussi que l'animal n’a vraisemblablement pas besoin de ses yeux pour trouver de la nourriture.
L’exposition des yeux de bathynome à une lumière naturelle telle que nous la connaissons à la surface de la Terre est dangereuse pour l'animal et produit probablement des dommages irréversibles.
Les jeûnes imposés à l'animal par la rareté des proies sur le plancher océanique et la difficulté à prévoir le prochain repas ne semblent pas affecter la santé des bathynomes géants. Ainsi, un individu a pu vivre 5 ans sans se nourrir dans un aquarium japonais et l'autopsie n'a pas pu relier biologiquement sa mort au manque de nourriture.
Des spécialistes avancent que les bathynomes sont capables de réguler leurs activités physiologiques en raison de la difficulté à trouver de la nourriture en grande profondeur. Ne sachant pas quand ils vont pouvoir manger, ces animaux vont savoir limiter leur dépense d’énergie en ralentissant leur respiration et leurs autres activités métaboliques. Cela pouvant même se rapprocher de la semi-hibernation.
Il est intéressant d’indiquer ici que la grande majorité des individus remontés accidentellement dans les filets et casiers au treuil électrique depuis 300 à 500 m de profondeur lors de pêches scientifiques en Guadeloupe étaient encore vivants contrairement à toutes les autres espèces qui ne supportent pas la décompression rapide depuis ces grandes profondeurs, crustacés compris.
L’écologie de ces animaux profonds est largement méconnue puisqu'il est difficile de l'étudier, in situ.
Par contre, Bathynomus giganteus est une espèce qui intéresse de plus en plus les pêcheurs. En effet, sa chair fine serait de la même qualité que celle des crabes ou langoustes et l'espèce est d’ores et déjà proposée dans certains restaurants des Antilles françaises.
Bathynome géant américain : ce nom est une simple francisation du nom scientifique Bathynomus giganteus, et précise son continent de distribution.
Bathynomus : l'étymologie de ce nom reste sujette à caution, le descripteur du genre, A. Milne-Edwards ne l'ayant pas explicité en 1879 dans la description originale.
Si on peut sans problème avancer que la première partie du nom, Bathy-, vient du grec [bathos] = profondeur, la signification de la seconde partie du mot, -nomus, n'est pas évidente. Mary Wicksten, carcinologue à l'Université A&M du Texas, relayée par Christopher Mah (département de biologie des Invertébrés, Smithsonian Insititution -merci à eux d'avoir répondu à notre question), suggère l'hypothèse suivante : cela dériverait du latin [nomas], nomade. Et le nom signifierait donc "nomade profond" ou vagabond des profondeurs (en anglais Deep wanderer).
Bathynomus giganteus est l'espèce-type* du genre.
giganteus : du latin [giganteus] = gigantesque. Eu égard à la taille de l'espèce.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Super classe | Multicrustacea | ||
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Peracarida | Péracarides | Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes. |
Ordre | Isopoda | Isopodes | Corps comprimé dorso-ventralement, première paire d’antennes beaucoup plus petite que la seconde, yeux non pédonculés. 7 paires de pattes de même apparence. |
Sous-ordre | Cymothoida | Cymothoides | ils portent des appendices buccaux comprenant une mandibule et un processus permettant de couper. |
Famille | Cirolanidae | Cirolanidés | |
Genre | Bathynomus | ||
Espèce | giganteus |
Isopode géant
Espèce abyssale, que l'on connaît principalement parce que remontée dans les filets des pêcheurs, le bathynome géant américain peut faire 35 cm pour 1,4 kg ! C'est le plus gros des isopodes de la planète.
Au large du Petit cul-de-sac marin, Guadeloupe (971).
Animal pris dans un filet à environ 300 m de fond, lors de pêches expérimentales réalisées par le Comité régional des pêches des îles de Guadeloupe.
30/08/2015
Tête
L'exosquelette possède plusieurs segments articulés qui, imbriqués les uns avec les autres, forment une carapace solide.
Le premier segment thoracique est fusionné avec la tête (céphalothorax).
Il possède 2 antennes avec exopodites très peu développés.
Les grands yeux noirs triangulaires sont dépourvus de pédoncule et sont optimisés pour la vision sans lumière.
Au large du Petit cul-de-sac marin, Guadeloupe (971).
Animal pris dans un filet à environ 300 m de fond, lors de pêches expérimentales réalisées par le Comité régional des pêches des îles de Guadeloupe.
30/08/2015
Partie buccale
Dans l'orifice buccal, les organes de la mastication sont principalement représentés par trois dents noires luisantes et taillées en biseau tranchant. Une dent antérieure est en partie cachée par le bord postérieur du labre. La dent moyenne, plus réduite, est elle complètement visible. Quant à la dent postérieure, elle est, de beaucoup, la plus développée et présente une profonde gouttière qui la transforme en une sorte de gouge.
Guadeloupe (971), ex-situ, animal péché à -300 m
31/08/2015
Dessus-dessous en vrai !
Individu issu de pêche profonde montré, et mesuré, de dessus (à gauche) et de dessous (à droite).
A comparer avec les dessins de l'image suivante, issus de la description de 1902.
La première paire d’appendices thoraciques est spécialisée en ce qu’on appelle maxillipèdes ou « pied-mâchoires » et impliqués dans la nutrition.
En plus des 7 paires de pattes (péréiopodes), cet isopode possède 5 paires de palettes natatoires (pléopodes) qui jouent surtout le rôle de branchies.
Guadeloupe (971), laboratoire, animal péché à -300 m
08/09/2015
Dessins de la publication de 1902 -planches 1 & 2
Face dorsale (à gauche) et face ventrale (à droite) d'un Bathynomus giganteus.
Extrait de l'article de 1902, Les bathynomes, par Alphonse Milne Edwards et Eugène Louis Bouvier.
Le premier individu, découvert en 1878 dans le golfe du Mexique, a été confié au zoologiste français Alphonse Milne-Edwards en 1879 et il en a fait alors une rapide et succincte description. Il a fallu attendre 1902 pour qu'il publie l'étude morphologique de cette espèce, en collaboration avec le carcinologiste et entomologiste Louis Eugène Bouvier et qu'ils publient ensemble l'article nommé Les Bathynomes.
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Reproduction de documents anciens
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Dessins de la publication de 1902 -planche 3
Individu de profil (en haut) et de face (en bas).
Extrait de l'article de 1902, Les bathynomes, par Alphonse Milne Edwards et Eugène Louis Bouvier.
Sur la figure du haut, les différents articles de la carapace sont bien visibles, ainsi que les sept paires de pattes locomotrices.
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Reproduction de documents anciens
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Vidéo : Echelle
La taille de cet individu vivant est bien rendue dans la main humaine d'un chercheur !
Guadeloupe, pêché à 300 m
09/09/2015
Différentes tailles
Plusieurs individus fraîchement péchés et de taille différente. L'adulte mesure généralement 30 à
Guadeloupe (971), ex-situ, animaux pêchés vers -300 m
08/09/2015
Philatélie et bathynomes...
L'espèce indiquée sur ce timbre des îles Maldives est Bathynomus giganteus. Il s'agit en fait d'une autre espèce car B. giganteus est présent uniquement dans l'océan Atlantique. Dans le secteur géographique concerné (sud de l'Inde), seul Bathynomus keablei est connu. C'est sans doute cette espèce que montre la planche dédiée aux espèces profondes maldiviennes...
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Alain-Pierre SITTLER
Pierre NOËL
2020
Rédacteur principal : Jean ROGER
Rédacteur : Alain-Pierre SITTLER
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Barradas-Ortiz C., Briones-Fourzan P., Lozano-Alvarez E., 2003, Seasonal reproduction and feeding ecology of giant isopods Bathynomus giganteus from the continental slope of the Yucatán peninsula, Deep Sea Research Part I Oceanographic Research Papers, 50(4), 495-513.
Briones-Fourzan P., Lozano-Alvarez E., 1991, Aspects of the Biology of the Giant Isopod Bathynomus giganteus A. Milne Edwards, 1879 (Flabellifera: Cirolanidae), off the Yucatan Peninsula, Journal of Crustacean Biology, 11(3), 375-385.
Chamberlain S.C., Meyer-Rochow V.B., Dossert W.P., 1986, Morphology of the compound eye of the giant deep-sea isopod Bathynomus Giganteus, Journal of Morphology, 189(2), 145-156.
Kou Q., Chen J., Li X., He L., Wang Y., 2017, New species of the giant deep-sea isopod genus Bathynomus (Crustacea, Isopoda, Cirolanidae) from Hainan Island, South China Sea, Integrative Zoology, 12, 283-291.
Lowry J.K., Dempsy K., 2006, The giant deep-sea scavenger genus Bathynomus (Crustacea, Isopoda, Cirolanidae) in the Indo-West Pacific, in:
RICHER DE FORGES B. & JUSTINE J.-L. (eds), Tropical Deep-Sea Benthos, 24, Mémoires du Muséum national d’Histoire naturelle, 193, 163-192.
Milne-Edwards A., Bouvier E.L., 1902, Les Bathynomes, in: Report of the Results od Dregings in the Gulf of Mexico (1977-79), in the Caribbean Sea (1879-79), and along the Altlantic coast of the United States (1880)..., Memoirs of the Museum of Comparative Zoology at Harvard College, Vol. XXVII, No. 2, disponible ici.
Perry N.E., Hinsch G.W., 1991, Reproduction in the Giant Isopod, Bathynomus giganteus, Invertebrate Reproduction and Development, 20(2), 153-157.
Soong K., 1992, Occurrence of the giant isopod Bathynomus giganteus A. Milne Edwards, 1879 (Isopoda Flabellifera, Cirolanidae) in the West Pacific, Crustaceana, 63(3), 291-295.