Armine tigrée

Armina tigrina | Rafinesque, 1814

N° 2641

Méditerranée

Clé d'identification

Corps long et aplati, arrondis aux extrémités, pour une taille maximum de 11 cm
Manteau de couleur sombre et portant des stries longitudinales blanches en relief
Manteau formant un repli à l'avant, au niveau des rhinophores
2 rhinophores très courts, contractiles, clairs et striés dans leur longueur
Vit enfoui dans le sable durant la journée, ne sortant que la nuit

Noms

Noms communs internationaux

Tiger armina (GB), Armina tigre (I)

Synonymes du nom scientifique actuel

Pleurophyllidia undulata Meckel in Stammer 1816
Diphyllidia lineata Otto, 1820
Pleurophyllidia cuvieri Meckel, 1823
Armina undulata O'Donoghue, 1926

Distribution géographique

Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

On rencontre cette armine en Méditerranée (Espagne, France, Italie, Croatie...).
On la rapporte également sur la façade Est-Atlantique, mais aucune donnée probante n'est disponible. Cette espèce est probablement endémique* stricte de Méditerranée (P. Noël, nov. 2020, communication personnelle).

On peut lire dans la littérature encore récente qu'Armina tigrina serait rencontrée dans l'océan Atlantique Ouest. La présence de cette espèce sur les côtes Est de l'Amérique du Nord est en effet évoquée par [Abbott 1954] et l'auteur produit même une brève diagnose* sur certains individus, suivi en cela par d'autres auteurs (par exemple [Eyster 1981]). Mais cette présence nord-américaine a été clarifiée par [Thompson & al. 1990] : il s'agirait d'une nouvelle espèce à ce jour baptisée Armina abbotti (dédiée donc à... Abbott).

Biotope

Armina tigrina est le plus souvent rencontrée de nuit sur les fonds sableux, voire sablo-vaseux, dans lesquels elle vit. Elle est enfouie durant la journée.
Il n'est pas rare de voir l'animal progresser dans les herbiers de cymodocée. On peut noter que même lors des rencontres nocturnes, le manteau est souvent recouvert de sable, dissimulant l'animal et le rendant difficilement reconnaissable en plongée, puisqu'il se confond avec le substrat.
Cette espèce peut être observée dès les faibles profondeurs jusqu'à 27 mètres sous la surface. On soupçonne qu'elle peut vivre plus profond.

Description

Ce nudibranche a un corps plat et allongé, arrondi aux deux extrémités. Les individus peuvent atteindre une taille maximale de 11 cm. Le manteau* se distingue facilement du pied* qu'il recouvre en très grande partie.
Ce manteau, de couleur sombre (brun, violacé à noir), est bordé de blanc sur tout son pourtour. Il porte des stries longitudinales blanches, légèrement ondulées et en relief, d'un nombre variable (environ 30) et allant de la partie céphalique jusqu'à l'arrière. Il est souvent recouvert de sable.

Sur le dessus de la tête, le manteau fait un repli, devant un bouclier céphalique sombre (rose noirci sur le dessus et rosé en dessous). Ce repli du manteau forme en son milieu comme une encoche et, les découvrant en cet endroit du bouclier céphalique, permet à deux rhinophores*, contractiles, très proches l'un de l'autre, de se dresser perpendiculairement à l'axe du corps. Ces rhinophores clairs et de petite taille, sont striés dans leur verticalité. Devant les rhinophores, il y a une petite crête discrète.

Tout au long de chaque flanc et sous le manteau (non visibles immédiatement, donc), il y a deux sortes de zones lamellées plus ou moins perpendiculaires au corps. Les premières lamelles, derrière la tête sont les branchies* (la seconde zone lamellée est en relation avec l'appareil digestif).
La sole* pédieuse est de couleur plus claire que le manteau (rosée à gris clair) et son pourtour est également bordé d'un liseré blanc. Ce pied est légèrement anguleux à l'avant et un sillon médian est présent sur la sole.
Dans la partie droite du corps, toujours sous le manteau, se trouvent également l'orifice génital, placé vers l'avant, sous les lamelles branchiales.

Espèces ressemblantes

Bien que partageant une distribution géographique commune, Armina tigrina est clairement distincte d'une autre Arminacée qui fréquente en sus exactement le même biotope qu'elle :
Armina maculata Rafinesque, 1814. La forme est la même mais les deux espèces se différencient aisément par l'aspect de leur manteau respectif. En effet, A. maculata possède un manteau de couleur jaune orangé et celui-ci ne porte pas des stries longitudinales mais de petits tubercules* blancs de tailles diverses et en relief.

En revanche, une autre espèce observée en Méditerranée ressemble fort à Armina tigrina. Il s'agit de :
Armina neapolitana (delle Chiaje, 1824). Même s'il est ressemblant, le manteau strié de cette dernière montre une couleur davantage rose-orangé. Le nombre de lignes longitudinales en relief est moindre (13 à 20).

Par ailleurs :

Armina loveni (Bergh, 1876) est également ressemblante, même si bien plus petite (environ 4 cm) et plus brun orangé-rougeâtre qu'A. tigrina. Elle ne peut croiser la distribution de l'armine tigrée que sur les côtes atlantiques françaises puisque A. loveni, plus nordique, y est présente depuis la Norvège.

D'autres espèces, comme Armina californica (Cooper, 1863) ou Armina gilchristi (White, 1955), sont encore très semblables à Armina tigrina car elles présentent également ce manteau de couleur sombre strié de blanc. Toutefois, les individus se révèlent être de plus petite taille qu'A. tigrina et ces espèces n'ont pas été rapportées dans l'aire géographique attestée d'A. tigrina (A. californica : côtes ouest de l'Amérique du Nord ; A. gilchristi : Afrique du Sud).

De même, Armina abbotti Thompson, Cattaneo & Wong, 1990, serait l'espèce qui remplace A. tigrina dont la réelle présence sur les côtes américaines faisait débat.

D'autres espèces du genre Armina portant des stries longitudinales sur le manteau ont encore été décrites mais présentent une toute autre répartition géographique et possèdent des manteaux beaucoup plus colorés (bleus à orangés). Certaines de ces espèces comportent par ailleurs des individus de plus grande taille qu'Armina tigrina.

Alimentation

Armina tigrina se nourrit d'alcyonnaires et de plumes de mer (ex. : Pennatula rubra).

Reproduction - Multiplication

Les nudibranches sont des animaux hermaphrodites* synchrones et les Arminacées ne dérogent pas à la règle. La reproduction se fera donc lors d'un rapport proximal deux à deux, la position classique tête-bêche se justifiant par la position des organes copulatoires, situés sur le côté droit de l'animal, sur la partie antérieure du pied.
La ponte des Armina se trouve sur le substrat sableux et consiste généralement en un gros cordon de glaire, contourné et retordu sur lui-même. Il est fixé par au moins une de ses extrémités. Les œufs, de couleur claire et en grande quantité, sont pris dans la glaire.

Pour ce qui concerne les modalités de reproduction et de développement propres à Armina tigrina, elles sont peu connues. L'article de [Eyster 1981] se proposant de les décrire résulte d'une erreur d'indentification et s'intéresse en fait probablement à Armina abbotti, collectée en Caroline du Sud.

Divers biologie

Les branchies, plus de 100 lamelles respiratoires situées de chaque côté du corps, sous le manteau après la tête, précèdent une autre série de lamelles un peu différentes qui vont, elles, jusqu'à la partie postérieure. Ces autres lamelles, 36 à 40 de chaque côté et appellées en anglais hyponotal lamellae ("lamelles sous le manteau") sont en rapport avec le système digestif (elles contiennent généralement des diverticules de la glande digestive).

L'anus et le pore urinaire se trouvent sur la partie postérieure du flanc droit, en arrière des organes génitaux et sous les lamelles sus-citées.

Le bulbe buccal possède de grandes mâchoires très fortes et bombées, le bord masticateur est écailleux. Sur la radula* les dents sont nombreuses, sur plusieurs rangées (radula multisériée). La cuspide* médiane, étroite, montre 15 à 30 denticules* serrés et fins de chaque côté. Les dents latérales portent aussi des denticulations.

Puisque les armines sont des nudibranches prédateurs de cnidaires, on pourrait penser que les cnidocystes* capturés sur les proies seraient conservés et réutilisés par l'animal, à l'instar des nudibranches éolidiens (ex. : les flabellines). C'est ainsi que Bergh, descripteur de certaines espèces d'Aminacées, avait pris certaines glandes disposées latéralement sous le manteau pour des sortes de cnidosacs* ("puisqu'on distingue facilement à la loupe des "cnidopores" d'où sortent, lorsque l'animal est violemment excité, des paquets de filaments urticants"). Mais le biologiste Lucien Cuénot (1866-1951) a démenti, affirmant que ces glandes, n'étant d'ailleurs pas en relation avec les glandes hépatiques, ne contenaient pas de nématocystes* à proprement parler mais des filaments semi-rigides fabriqués par l'animal lui-même. L'auteur ne veut pas trancher sur la destination réelle de ces filaments et des cellules qui les produisent, se contentant de supposer avec prudence qu'ils ont un but défensif.

Le nombre de rayures claires et en relief sur le dos de l'animal dépend probablement du degré de maturité de l'individu.

Origine des noms

Origine du nom français

Armine tigrée : il s'agit d'une simple francisation du nom scientifique, Armina tigrina.

Origine du nom scientifique

Armina : plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce nom... Une des plus probables est le rapport avec la ville d'Armina (Armine), ville de Paphlagonie (région historique d'Asie mineure, correspondant actuellement au nord de la Turquie, sur la mer Noire). On pourrait également citer Hermann (Arminius pour les romains), chef germanique de la tribu Chérusques (16 av. JC – 21 ap. JC).
On peut aussi lire ici ou là qu'en latin, armina signifie "noble". Mais cela semble douteux pour notre cas. Ceci s'appliquerait plutôt au prénom Armina dans les pays d'Amérique du Sud.
Si vous connaissez la raison exacte pour laquelle Rafinesque a utilisé ce nom pour créer le genre, écrivez-nous !

tigrina : du latin [trigrina] = rayée comme un tigre ; l'adjectif renvoie à l'aspect de la robe, avec ses nombreuses stries longitudinales noires et blanches.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Cladobranchia Cladobranches
Famille Arminidae Arminidés
Genre Armina
Espèce tigrina

Nos partenaires