Algues brunes filamenteuses

Acinetospora crinita | (Carmichael) Sauvageau

N° 3810

Méditerranée occidentale

Clé d'identification

Développement saisonnier exubérant du printemps à l'automne dans l’infralittoral et le circalittoral
Proliférations algales denses et étendues sur les organismes fixés et les substrats durs
Algues filamenteuses de consistance cotonneuse
Filaments longs et très fins (diamètre microscopique)
Couleur brun clair à jaune pâle

Noms

Autres noms communs français

Algue barbe-à-papa, barbe de Thanatos, algue dorée, algue de chaleur, algue muqueuse

Noms communs internationaux

Quatre espèces d’Ochrophytes peuvent, seules ou en mélange, donner des proliférations d’algues brunes filamenteuses. Ce sont :

  • Acinetospora crinita (Carmichael) Sauvageau (Acinetosporaceae, Phaeophyceae)
  • Chrysonephos lewisii (W.R.Taylor) W.R.Taylor (Sarcinochrysidaceae, Pelagophyceae)
  • Nematochrysopsis marina (J.Feldmann) C.Billard (Sarcinochrysidaceae, Pelagophyceae)
  • Zosterocarpus oedogonium (Meneghini) Bornet (incertae sedis, Phaeophyceae)

Distribution géographique

Méditerranée occidentale

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

Ce complexe d'algues filamenteuses est spécifique de la Méditerranée occidentale. Néanmoins, ses divers constituants ont des distributions géographiques différentes.

  • Décrit de l’Atlantique Nord-Est, Acinetospora crinita est une espèce cosmopolite.
  • Décrit des Bermudes, Chrysonephos lewisii est aussi présent dans les Caraïbes, l’océan Pacifique et la Méditerranée où il a été introduit accidentellement.
  • Décrit de Méditerranée occidentale, Nematochrysopsis marina est aussi présent sur la côte atlantique française.
  • Décrit de Méditerranée, Zosterocarpus oedogonium est aussi présent dans le proche Atlantique (Portugal).

Biotope

Les algues brunes filamenteuses se développent surtout entre 5 m et 40 m de profondeur. Elles forment une couverture filamenteuse plus ou moins continue, d'épaisseur variable, et plus ou moins mouvante sur les substrats* rocheux et détritiques et sur les organismes qui y résident. Elles recouvrent aussi les herbiers de posidonie*.

Acinetospora crinita, l’espèce de loin la plus fréquente, se développe au printemps et en été principalement, en mode calme, dans les habitats rocheux de l’infralittoral* et du circalittoral* et sur les herbiers de posidonie. Elle peut aussi se développer à des profondeurs plus importantes. Elle disparaît à partir de septembre.

Chrysonephos lewisii se développe principalement en été, dans les communautés d’algues photophiles* de l’étage infralittoral et sur les herbiers de posidonie. Durant les périodes les plus chaudes, il disparaît des petits fonds et se rencontre essentiellement entre 15 et 40 m de profondeur. Il remplace A. crinita à partir de septembre.

Nematochrysopsis marina se rencontre en Méditerranée à partir d’avril et croît principalement de mai à juillet et en septembre. Il profite de tout type de substrat pourvu que le lieu soit très calme car il est très fragile et se désagrège rapidement sous l’action des vagues et des courants. On le trouve rarement au-dessus de 5-6 m de profondeur. Sa profondeur optimale se situe entre 7 et 20 mètres mais il a déjà été observé à 42 m de profondeur.

Zosterocarpus oedogonium est une espèce méditerranéenne caractéristique du détritique côtier et du coralligène* qui se développe principalement de mai à octobre, entre 20 et 65 m de profondeur, dans les sites non perturbés. Son développement généralement modéré fait qu’elle ne présente pas d’inconvénients pour les autres espèces, contrairement aux trois précédentes.

Description

L’analyse des proliférations d’algues brunes filamenteuses a révélé la présence de nombreux fragments d’algues (jusqu’à 30 espèces différentes) piégés par les filaments des algues filamenteuses décrites ci-dessous.

Les 3 espèces principales du consortium sont l’algue brune Phéophycée Acinetospora crinita et les Pélagophycées Chrysonephos lewisii et Nematochrysopsis marina. Il est nécessaire d’examiner l’échantillon au microscope pour les différencier.

Acinetospora crinita forme des filaments unisériés ramifiés très fins de couleur brun clair à jaunâtre qui, mélangés à d'autres algues, peuvent former des touffes épaisses, pouvant atteindre plusieurs mètres de longueur. Les filaments cylindriques, de 25 à 35 µm de diamètre, sont composés de cellules 0,5 à 3 fois plus longues que larges et sont ramifiés de manière irrégulière. Acinetospora crinita se distingue des autres algues brunes filamenteuses par ses ramifications fréquemment perpendiculaires sur le filament et insérées au milieu de la cellule mère. Les cellules apicales* sont arrondies et terminées par un pseudopoil de 6 à 10 µm de diamètre. Les cellules comportent plusieurs chloroplastes* discoïdes pourvus d’un pyrénoïde*.

Chrysonephos lewisii forme des touffes filamenteuses de couleur blanchâtre à jaune pâle pouvant atteindre 1 à 4 cm de hauteur, accrochées au substrat par un crampon discret. Les filaments se ramifient de façon pseudo-dichotome (un des deux filaments de la dichotomie est inséré obliquement sur le filament principal). Ils sont unisériés sauf au niveau des ramifications où ils peuvent paraître plurisériés, et ils mesurent 15 à 40 µm de diamètre à la base et 5-12 µm près des apex*. Les cellules, de forme cylindrique à globuleuse, mesurent de 8 à 18 µm de longueur et 4 à 11 µm de largeur. Elles sont entourées d’une gaine mucilagineuse* cylindrique pouvant atteindre 12 à 14 µm d’épaisseur. Les cellules comportent deux chloroplastes ovales à rubanés plus ou moins lobés, jaunâtres et munis de pyrénoides saillants.

Nematochrysopsis marina forme des filaments unisériés non-ramifiés (filaments simples), de couleur jaune orangé, fixés au substrat par une base mucilagineuse et pouvant atteindre un mètre de longueur. Les cellules mesurent 10-13 µm de diamètre et 15-30 µm de longueur. L’aspect de la paroi cellulaire est un caractère distinctif de l’espèce. Plus fine dans la partie médiane de la cellule, elle donne l’apparence d’une juxtaposition de pièces en « H » le long du filament. Les cellules comportent quatre chloroplastes lobés, jaunâtres et munis d’un pyrénoide saillant.

Zosterocarpus oedogonium forme des filaments unisériés à ramifications irrégulières, de couleur brun-mordoré, pouvant atteindre 30 cm de longueur. Les cellules, 1 à 3 fois plus longues que larges, mesurent 30 à 45 µm de diamètre à la base et s’atténuent aux extrémités. Les cellules apicales sont généralement effilées à pointues. Les cellules comportent plusieurs chloroplastes discoïdes sans pyrénoïde. Près des extrémités, les filaments se caractérisent par la présence d’une ou deux cellules intercalaires, oblongues, à contenu uniforme et de couleur brunâtre, riche en tanins (cellules tannifères).

Alimentation

Comme tous les végétaux, ces espèces sont autotrophes* photosynthétiques* : elles élaborent leurs composés organiques à partir de minéraux et de lumière, grâce à des pigments qui leur permettent de faire la photosynthèse*.

Reproduction - Multiplication

Le cycle de reproduction de ces 4 espèces n’est pas entièrement résolu. On ignore sous quelle forme elles passent les mois d’hiver.

Acinetospora crinita : l’étendue des modes de reproduction de l’espèce est très large. Son cycle de reproduction, extrêmement complexe, peut varier suivant la région, la saison et les populations. Ce cycle comporte différents stades produisant chacun un ou plusieurs types d’organes reproducteurs. Ces stades peuvent se succéder ou se court-circuiter au cours de l’année. Au moins 5 types d’organes reproducteurs ont été identifiés. Ces organes sont le plus souvent brièvement pédicellés* ou sessiles* et insérés perpendiculairement sur les filaments. Un même individu peut produire plusieurs types d’organes reproducteurs. Ces organes reproducteurs sont les suivants :

  • les acinétosporanges ou sporanges* (= sporocystes) pluriloculaires (= à plusieurs loges) coniques, de 16 à 28 µm de diamètre et 40 à 80 µm de longueur, à petites loges, qui produisent des spores immobiles (acinétospores),
  • les mégasporanges, sporanges pluriloculaires coniques, de 30 à 40 µm de diamètre et 70 à 120 µm de longueur, à grandes loges, qui produisent des mégaspores,
  • les sporanges uniloculaires (= une seule loge) subsphériques, de 20 à 60 µm de diamètre, qui produisent des zoospores* (spores flagellées) qui engendrent des filaments ressemblant à un autre genre d’Acinetosporaceae (le genre Feldmannia) et qui pourraient constituer le stade gamétophytique* de l’espèce,
  • les sporanges uniloculaires apoméiotiques (absence de méiose*) qui produisent des spores non-réduites qui redonnent des filaments d’Acinetospora,
  • les monosporanges qui produisent une spore unique.

Chrysonephos lewisii : les cellules des deux ou trois dernières ramifications s’arrondissent et se transforment en zoospores qui sont libérées après dissolution de la gaine mucilagineuse. Les zoospores pyriformes* mesurent 6-7 µm de diamètre et 8-9 µm de longueur, et possèdent un flagelle antérieur cilié et un flagelle postérieur lisse. Aucune reproduction sexuée, ni spores de résistance (stomatocystes ou statospores) n’ont été observées.

Nematochrysopsis marina : la reproduction est identique à celle de l’espèce précédente. Des cellules des filaments se transforment en zoospores pyriformes de 6-8 µm de diamètre et 10-12 µm de longueur, avec un flagelle antérieur cilié et un flagelle postérieur lisse. Aucune reproduction sexuée, ni spores de résistance (stomatocystes ou statospores) n’ont été observées. Des pseudocystes calcifiés ont été signalés.

Zosterocarpus oedogonium : certaines cellules intercalaires des filaments produisent latéralement, à leur surface, de petites loges fertiles contiguës. L’ensemble des loges fertiles d’une cellule constitue un sporange (sporocyste) pluriloculaire qui peut être unilatéral (d’un seul côté de la cellule mère) ou en manchon (autour de la cellule mère). Le devenir des spores après émission n’est pas connu.

Les quatre espèces ont aussi la capacité de se multiplier végétativement par fragmentation.

Vie associée

Les algues brunes filamenteuses recouvrent tout ou partie du paysage sous-marin et peuvent causer de gros dommages aux organismes sessiles, notamment les suspensivores* et les filtreurs* qu’elles recouvrent car ils n’ont plus accès à leur nourriture. Si le phénomène perdure, les dégâts peuvent être létaux.

Divers biologie

Les poissons herbivores (saupes) peuvent manger ces algues, mais il semble que leur appétit ne suffise pas en période de bloom* pour restreindre leur développement.

Informations complémentaires

En Méditerranée, Chrysonephos lewisii est une espèce introduite envahissante.

Les proliférations d’algues brunes filamenteuses concernent la Méditerranée occidentale. Elles nécessitent des périodes prolongées de temps chaud et de mer calme. Elles débutent au printemps et peuvent se prolonger jusqu’à l’automne lorsque les coups de vent violents sont rares. Les efflorescences* résultent des conditions printanières (teneurs élevées en nutriments, météo favorable) mais peuvent aussi être causées par les apports anthropiques (lessivage des sols, rejets d’émissaires et de stations d’épuration) sans qu’il y ait nécessairement de pollution chronique visible.

L’augmentation de la fréquence et de la durée de ces efflorescences est constatée depuis les années 1980. Elle pousse les gestionnaires des espaces concernés à mieux en comprendre la cause pour trouver des solutions et limiter le stress causé aux organismes vivants sessiles* qui peinent à vivre et à se nourrir sous cette couverture mouvante d’algues brunes filamenteuses.

Dans le contexte du réchauffement rapide et de la forte pollution de la Méditerranée, aucune action locale ou ponctuelle ne sera efficace si ce n’est prier pour que se produise un bon coup de Mistral.

Origine des noms

Origine du nom français

Les scientifiques utilisent généralement le terme « algues brunes filamenteuses ». L'usage chez les plongeurs a entériné le nom d’algues "barbe-à-papa" du fait de la consistance des touffes cotonneuses qui fait penser à la confiserie de sucre soufflé vendue dans les fêtes foraines. Cependant, certains trouvent ce nom "trop gentil" au vu de la nuisance que la présence prolongée de ce voile peut engendrer chez les organismes sessiles. Le nom de "Barbe de Thanatos", faisant référence au risque mortel en cas de présence prolongée, est alors utilisé.

Origine du nom scientifique

Acinetospora : du grec « a » privatif, [kinetos] = qui bouge, [sporos] = semence, en référence aux spores immobiles (acinétospores)
crinita : du latin [crinis] = crin, cheveu, chevelure, touffe.

Chrysonephos : du grec [chrysos] = doré, et [nephos] = nuage, pour son aspect jaune duveteux
lewisii : en l’honneur de I.F. Lewis, phycologue américain.

Nematochrysopsis : du grec [nêmato] = fil, [chrysos] = doré et [opsis] = en forme de
marina : du latin [marinus] = marin, soit en forme de fil doré marin.

Zosterocarpus : du grec [zôstêr] = ceinture et [karpos] = fruit, pour les spores disposés en manchon autour de la cellule mère.
oedogonium : du grec [oidos] = grosseur et [gonos] = semence, pour la présence d’articles renflés.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 145398

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Ochrophyta Ochrophytes ou Hétérokontes, ou Straménopiles: présence d'un stade unicellulaire à 2 flagelles, un lisse et un à poils tubulaires.
Genre Acinetospora
Espèce crinita

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