Palétuvier des Indes

Bruguiera gymnorrhiza | (L.) Lamk

N° 2023

Indo-Pacifique tropical

Clé d'identification

Palétuvier au tronc noir et noueux
Racines en genoux
Larges feuilles vert luisant
Fleurs solitaires rouges et dentelées
Fruit en long hypocotyle vert à brun

Noms

Autres noms communs français

Manglier noir, palétuvier noir, palétuvier rouge

Noms communs internationaux

Oriental mangrove, black mangrove, large-leaved mangrove, orange mangrove, burma mangrove (GB), swartwortelboom (Afr. du Sud), denges (Palau), fon (îles Marshall), cing (en Drehu, langue kanak de Lifou), dongo, ye-dongo (en Nengone, langue kanak de Maré), tangampoly, tsitolona (en malgache)

Synonymes du nom scientifique actuel

Brugiera gymnorrhiza (L.) Lam. 1793
Rhizophora gymnorrhiza (L.) 1786
Bruguiera rheedei (Bl.) 1827
Brugiera rumphii (Bl.) 1850

Distribution géographique

Indo-Pacifique tropical

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique

B. gymnorrhiza est un palétuvier d'Océanie, mais il se rencontre dans tout l'Indo-Pacifique Ouest inter-tropical. Il est naturalisé à Hawaii après y avoir été introduit. Il est autochtone* en Nouvelle-calédonie.

Biotope

En retrait du front de mer, il occupe préférentiellement le milieu et le haut des mangroves*. Il affectionne particulièrement les estuaires et les rives boueuses des rivières, et plus généralement les zones calmes et protégées.
Il tolère une grande amplitude de salinité (de 8 à 26 ‰) et de diversité de sols, mais préfère les sols riches en carbone organique, neutres à acides, en anaérobie*.
Néanmoins, il croît aisément sur des sols aérés sableux ; dans ce cas les racines en genoux sont peu nombreuses.
Son altitude maximale est de 2 mètres. Il nécessite d'abondantes précipitations annuelles, des températures comprises entre 20 et 30°C, le plein ensoleillement, mais supporte mal les sécheresses d'El Nino.
Les peuplements de B. gymnorrhiza forment des sous-bois clairsemés.

Description

Bruguiera gymnorrhiza est un palétuvier. C'est un arbre de taille moyenne, communément de 10 à 20 m de haut, dont le maximum semble être 35 m. Son tronc est noir, rugueux, particulièrement noueux, épais à sa base (jusqu'à 1,5 m de diamètre) et de plus en plus irrégulier vers le haut. Cet aspect tordu et irrégulier rend les formations de B. gymnorrhiza très esthétiques à ambiance mystérieuse.
Le feuillage est bien fourni. Les feuilles sont vert foncé, coriaces à épaisse cuticule* brillante sur la face supérieure (la face inférieure a des couleurs variées du vert au rouge lie-de-vin), à bords lisses et de forme elliptique mais pointues à leur extrémité. Elles font environ 15 cm de long et 6 de large. Elles sont rassemblées au bout des branches, en bouquet d'une douzaine de feuilles. Dans l'hémisphère sud (cas de la Nouvelle-Calédonie et de la Réunion), l'émergence des jeunes feuilles atteint son maximum entre novembre et février ; comme il s'agit de la période la plus sèche, les vieilles feuilles tombent et le feuillage s'en trouve momentanément dégarni.
Les racines sont souterraines, mais elles présentent des expansions verticales très reconnaissables : les racines en genoux, ou pneumatophores*. Ce sont les zones émergées des racines, prenant une forme coudée caractéristique des espèces du genre Bruguiera. Les genoux s'élèvent à 30 cm au-dessus de la vase, et sont ponctués d'orifices par lesquels se fait la respiration des racines. Quelques rares racines aériennes partent du tronc et touchent la vase pour s'y enfoncer. Certains individus aussi présentent des contreforts : des racines en forme de murs verticaux de quelques dizaines de centimètres de haut. Ils augmentent la stabilité de l'arbre dans la vase.
Les fleurs sont solitaires et situées à la base des bouquets de feuilles. Elles atteignent 5 cm de long, et leurs pétales font 1,5 cm. Ces derniers sont lisses, en forme de fines dents acérées bordées d'une marge poilue et ont de vives couleurs du rouge au rose. Les sépales, situés à la base de la fleur, sont persistants. Ils sont verts s'ils sont à l'ombre, et roses à rouges s'ils sont exposés au soleil.
Le fruit est vert, oblong, dur et épais (1,5 cm) et s'allonge en un hypocotyle* de 25 cm de long.

Espèces ressemblantes

L'espèce la plus semblable de B. gymnorrhiza est son cousin B. sexangula (Loureiro) dont seule la couleur crème des fleurs de B. sexangula permet de les distinguer. De plus, l'aire de répartition de B. sexangula semble se limiter à l'Indonésie, l'Inde, l'Australie, le Sri Lanka, la Nouvelle-guinée et les Philippines. De manière générale, il peut être difficile de différencier les espèces de Bruguiera entre elles, et le moyen le plus sûr est de comparer leurs stipules (petites feuilles situées à la base des bourgeons foliaires et floraux).
Il y a peu de confusion possible entre B. gymnorrhiza et les palétuviers des autres genres (Avicennia marina, Rhizophora stylosa).

Alimentation

Comme tous les végétaux, les palétuviers pratiquent la photosynthèse* qui est leur seule source de carbone. L'eau et les sels minéraux sont puisés dans le substrat grâce aux racines.

Reproduction - Multiplication

Les fleurs de plus de 5 cm de long ont des pétales épais rouges. Elles produisent un nectar qui permet d'attirer les oiseaux et les abeilles pour que se fasse la pollinisation.
La saison de floraison est d'avril à août dans l'hémisphère sud, et d'octobre à février dans l'hémisphère nord.
Une fois pollinisée, la fleur se transforme en fruit, où se développe une graine.
On dit des B. gymnorrhyza qu'ils sont vivipares*, car la graine germe sur la plante-mère, alors que le fruit est toujours sur la branche. Elle se développe rapidement en jeune plantule sous forme d'un hypocotyle*. Il est l'agent de dissémination de l'espèce. L'hypocotyle bien vert au début, est brun lorsqu'il chute. Il est coriace, lisse, cylindrique et émerge du calice rougeoyant de l'ancienne fleur. Ses dimensions sont environ de 20 cm de long sur 2 cm de diamètre à sa maturité. Il tombe au pied de l'arbre mère sous l'effet de son poids. Sa forme oblongue est la meilleure garantie qu'il ait pour s'implanter dans la vase sans y sombrer. La première feuille et les jeunes radicules émergent alors de l'hypocotyle planté.

Vie associée

Ce palétuvier forme rarement une mangrove* à lui tout seul, et est souvent associé à des palétuviers du genre Rhizophora.
Il est l'hôte d'une multitude de mollusques, crabes et insectes, tant au sein de ses racines en genoux qu'au niveau des infractuosités de son tronc et dans le feuillage de sa canopée*. Le poisson périophtalme affectionne aussi les eaux dans ces palétuviers.
Les feuilles mortes du Bruguiera sont un aliment majeur d'un crabe de mangrove du genre Uca sp., qui émerge de son trou pour attraper et emporter avec lui ces feuilles déchues et appétissantes.
Des oiseaux se nourrissent du nectar de ses fleurs. Il existe une telle interdépendance entre le besoin alimentaire de ces oiseaux et la pollinisation de Bruguiera qu'il semble y avoir des co-évolutions entre cet arbre et certains oiseaux.
Il sert de support à des fougères et des orchidées épiphytes*.

Divers biologie

Le milieu salé des embouchures est une contrainte évitée par les B. gymnorrhiza : le sel absorbé par les racines est dirigé vers les vieilles feuilles qui l'accumulent. Lorsque leur concentration saline est trop forte, elles jaunissent, meurent et tombent. Ainsi le sel est évacué sans avoir intoxiqué les jeunes tissus.

Dans sa forme forestière, B. gymnorrhiza donne des individus au tronc bien rectiligne, propice à fournir du bois exploitable en sylviculture (Malaisie).

La croissance de B. gymnorrhiza est lente : son taux de croissance avoisine les 1 cm par an dans son milieu naturel. Il ne tolère ni le gel, ni le feu, et résiste mal au vent. Cependant, cette espèce bénéficierait d'une longue durée de vie. Aucune maladie ne le concernant n'est connue, excepté l'infestation possible par quelques champignons, mais uniquement sur le bois mort. C'est un arbre très robuste qui ne semble souffrir que d'éventuelles sécheresses et pollutions.

Les principaux bienfaits de la présence de ce Bruguiera dans les écosystèmes sont une stabilisation des sols (naturellement fragilisés par leur nature envasée), un habitat pour la vie sauvage et une protection des rivages grâce au barrage grillagé que forme le réseau racinaire.

Informations complémentaires

La plus ancienne source bibliographique qui référence l'existence de Bruguiera gymnorrhiza est l'encyclopédie Historia Plantarum, écrite par le philosophe et scientifique grec Theophrastus d'Eresus (371-287 avant JC). La mangrove* décrite dans cet ouvrage, située dans le port Colombo au Sri Lanka, existerait encore aujourd'hui et contiendrait toujours une population de Bruguiera.

Les Bruguiera gymnorrhiza font partie des espèces utilisées en revégétalisation des mangroves détériorées.

Les utilisations répertoriées de cet arbre sont :
- bois de construction : pour les maisons, la fabrication d'embarcations, la scuplture de harpons et divers outils,
- bois de chauffage dans certaines îles du Pacifique,
- propriétés médicinales : une lotion d'écorce peut atténuer la diarrhée et la fièvre (Indonésie), soigner la malaria (Cambodge) et les brûlures - les fruits peuvent être des anti-viraux,
- alimentation : après lavage et séchage pour évacuer les tanins, les fruits sont cuisinés et mélangés à du lait de coco en Mélanésie ou bien consommés en légumes aux îles Salomon et dans différents pays d'Asie du Sud-Est (Inde et Bangladesh notamment) - les feuilles sont bouillies en Papouasie Nouvelle-Guinée,
- teintures : les tanins de l'écorce permettent d'obtenir des tons rouges, marron à noirs,
- plante ornementale d'extérieur : il s'y acclimate parfaitement tant que son sol est riche, bien arrosé, et qu'il est bien ensoleillé,
- parfumerie : des extraits issus des genoux des racines seraient utilisés dans les parfums,
- effets magiques : en milieu kanak, transplanté près de la Grande Case, il est l'image d'une chefferie florissante. De petits paquets faits de bandes de son écorce sont suspendus aux pins colonnaires pour lever les interdits lors des cérémonies kanak.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Cette espèce est protégée en Afrique du Sud par le National Forestry Act. La récolte d'échantillons de ce palétuvier y est soumise à autorisation.
Cependant, une publication (Allen et Duke, 2006) mentionne le caractère potentiellement invasif de cette espèce, qui ne devrait pas être plantée en-dehors de son habitat naturel sous peine d'une déstabilisation des écosystèmes. Ce trait confirme son excellente tenue dans tout type de jardins comme arbre ornemental.

En France, cette espèce est évaluée mais n'est pas réglementée. Elle est classée LC (Least Concern, soit peu préoccupante) depuis 2010 dans la Liste Rouge de l'UICN, et est au statut VU (vulnérable) depuis 2014 dans la Liste de la flore vasculaire de Mayotte.

Origine des noms

Origine du nom français

Cet arbre de mangrove* est un palétuvier très commun des rivages indiens.
L'origine du terme palétuvier semble inconnue. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, le mot palétuvier n'était employé qu'à la Martinique, et ne s'appliquait même qu'à certains arbres qui ne croissent pas dans l'eau.

Origine du nom scientifique

Bruguiera : nom de genre dédié à Jean-Guillaume Bruguière (1750-1799), médecin, naturaliste, artiste et voyageur français. Il fut envoyé en mission par le roi Louis XVI vers Madagascar, les îles Maurice, Rodrigues et Kerguelen. Il a collecté son premier échantillon de B. gymnorrhiza au Cap en 1792.

gymnorrhiza : du grec [gymnόs] = nu et [rhiza] = racine. Les racines en genou de ces palétuviers sont mises à nu à marée basse.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 235082

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Magnoliophyta Angiospermes Plantes à fleurs dont les graines fécondées sont renfermées dans un fruit.
Classe Magnoliopsida Dicotylédones Embryons à deux cotylédons*.
Sous-classe Rosidae Rosidés
Genre Bruguiera
Espèce gymnorrhiza

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