Cachalot

Physeter macrocephalus | Linnaeus, 1758

N° 767

Cosmopolite

Clé d'identification

Tête massive au profil carré
Event unique, à l'avant gauche de la tête
Caudale triangulaire, fendue
A la surface :
Souffle incliné vers l'avant gauche, peu élevé, en « buisson »
« Aileron » pyramidal arrondi et peu marqué, suivi d'une succession de bosses

Noms

Autres noms communs français

Physétère, Grand souffleur, Grand cachalot
Anciennement : Baleine trompette

Noms communs internationaux

Sperm whale (GB), Capodoglio (I), Cachalote (E), Pottwal (D), Potvis (NL), Cachalotte (P)

Synonymes du nom scientifique actuel

Physeter catodon

Distribution géographique

Cosmopolite

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes, ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Sa répartition est mondiale, dans toutes les mers « ouvertes » du globe, à l'exception des « extrêmes pôles ». On trouvera généralement plus de mâles dans les eaux froides riches en nourriture, au nord comme au sud, alors que les femelles préfèrent séjourner dans les eaux équatoriales ou subtropicales.
Dans l'Atlantique, certains chasseurs appelaient cet animal « 40-40 » car on le trouvait du quarantième parallèle nord au quarantième parallèle sud.

Biotope

C'est un animal pélagique, plutôt adepte des eaux froides et tempérées des deux hémisphères. En général, il vit autour des canyons du plateau continental mais on peut le rencontrer au large comme dans les eaux territoriales.
Sa respiration est pulmonaire. Après quelques minutes à la surface, il sonde généralement de 5 à 15 minutes mais parfois jusqu'à presque deux heures. Il peut alors atteindre de grandes profondeurs (certainement jusqu'à 2000 m, éventuellement jusqu'à 3000 m à en croire les cadavres d'individus retrouvés coincés sous des câbles sous-marins). Cette performance a plusieurs origines. Il est notamment capable d'alimenter prioritairemement en oxygène ses organes vitaux (cœur et cerveau), en privant les organes périphériques d'oxygène et en limitant au maximum les mouvements pour descendre (grâce à l'organe à spermaceti).
A la surface, sa vitesse moyenne est de trois nœuds (5 km/h) mais il peut accélérer pendant une heure jusqu'à dix-douze nœuds.

Description

Le grand cachalot est le plus grand des odontocètes* (cétacés à dents). Le mâle peut mesurer entre 15 et 18 m alors que la femelle mesure entre 10 et 13 m. Il pèse entre 30 et 40 tonnes pour les mâles, 10 à 15 tonnes pour les femelles. Ces différences importantes sont un vrai dimorphisme sexuel : certains spécialistes avancent qu'il en résulte une signature acoustique différente selon le sexe, via la taille. Il est gris foncé, parfois brun, avec une zone plus claire autour des mâchoires et des taches sur le ventre. Il est très souvent recouvert de marques et de cicatrices (traces de combat entre mâles ou avec des calmars géants).
Sa silhouette est trapue et massive, avec un dos plutôt rectiligne. Lorsqu'il est à la surface, on le voit du bout de la tête jusqu'à son « aileron » et il n'est pas rare qu'on le confonde alors avec un « bout de bois » géant.
Il se caractérise par une tête énorme (le tiers de la masse, le quart de la longueur et jusqu'à 16 tonnes) et rectangulaire. Ses vertèbres cervicales sont soudées et il n'a pas de « cou » : cela ne permet pas à la tête de bouger indépendamment du corps. L'équivalent de l'aileron dorsal des autres odontocètes est plutôt une carène graisseuse, sans squelette, de forme pyramidale arrondie, mais peu marquée : il ressemble à une crête et sert de stabilisateur. Il est suivi d'une succession de petites bosses le long de la colonne jusqu'à la queue. Les nageoires pectorales, appelées « battoirs », sont épaisses et courtes ; elles permettent l'équilibre et le freinage. Contrairement aux mysticètes* (baleines à fanons), le cachalot n'a qu'un seul évent* (mais deux conduits nasaux qui fusionnent en surface), du côté gauche, très en avant sur le front : on peut ainsi le reconnaître de loin à son souffle incliné vers l'avant gauche, peu élevé (2 à 5 m de haut), en « buisson » et très bruyant. Comme chez l'ensemble des cétacés, la position de l'évent au sommet du crâne facilite la respiration dès le retour à la surface, et l'autorise pendant la navigation (contrairement aux pinnipèdes par exemple qui doivent marquer un « arrêt » en surface pour respirer, puisque les narines sont situées en avant du museau).
Le cachalot est un odontocète, donc une « baleine à dents ». La mâchoire inférieure, en « Y », comporte de nombreuses dents larges et coniques : de 40 à 60, elles mesurent 20 cm et peuvent peser un kilo. Elles ne poussent que vers dix ans. Il n'y a pas de dent sur la mâchoire supérieure mais des alvéoles où les dents du bas viennent se loger. La gorge possède une vingtaine de sillons courts et peu profonds.
Lorsqu'il sonde, la queue du cachalot sort entièrement de l'eau ce qui lui donne une grande impulsion et compense sa forme massive. En effet, sa caudale fendue, en forme de triangle, peut mesurer jusqu'à 4 m de large ; elle est très puissante et c'est elle qui assure la propulsion et la direction. Comme chez tous les cétacés, son mouvement est horizontal (alors qu'il est latéral chez les poissons), ce qui aide au mouvement ascensionnel pour revenir respirer à la surface. On voit là une relique de l'évolution des cétacés : leur squelette autrefois adapté à la vie terrestre ne leur permet pas un mouvement latéral.
La peau est lisse et dépourvue de poils (hydrodynamisme). Elle est épaisse, en adaptation au milieu aquatique, et à l'échelle microscopique, son détail « absorbe » les dépressions que forme l'eau en mouvement (et crée la résistance), par compression de minuscules bâtonnets élastiques et indépendants, selon la pression de l'eau. Sous la peau, le corps est recouvert d'une épaisse couche de graisse, ce qui limite les déperditions thermiques. Enfin, l'évent est obturé par un clapet qui s'ouvre pour respirer de manière réflexe. Il peut y avoir un renouvellement de 80 à 90 % d'air dans les poumons (ce taux se situe entre 10 et 20 % chez les autres mammifères). Les yeux sont protégés de la pression par le crâne et de robustes paupières. Ils sont huilés pour se protéger de la salinité. Le cachalot n'a pas d'oreille externe mais un simple trou en haut du canal auditif.

Espèces ressemblantes

Dans la famille des physétéridés, on trouve un autre genre, Kogia, représenté par deux espèces :
- Kogia breviceps (cachalot pygmée) Blainville, 1838 : on pourrait dire que c'est un « dauphin à tête carrée ». En effet, il a la morphologie générale du dauphin, mais son profil est rectangulaire. Il ne dépasse pas 4 m de long. Sa coloration est plutôt foncée sur le dos, avec un ventre plus clair.
- Kogia simus (cachalot nain) Owen, 1866 : il présente les mêmes caractéristiques que le pygmée mais il est encore plus petit (moyenne de 2,5 m) et son aileron dorsal est haut.
Il est à noter que leur différenciation sur le terrain n'est pas aisée, et que souvent, seuls les spécialistes du genre Kogia peuvent déterminer précisément l'espèce. D'ailleurs, pour certains auteurs, ils appartiennent à la famille des kogiidés, ce qui expliquerait l'absence de caractéristique commune des physétéridés.

Alimentation

On dit que le cachalot est teutophage : il se nourrit essentiellement de céphalopodes, pieuvres et calmars (de dizaines de cm à plus d'une dizaine de mètres de long) qu'il capture à grande profondeur, régulièrement entre 500 et 2000 m. Il s'agit en particulier du cornet mange-piquants Moroteuthis robusta. Il peut aussi avaler des poissons, même de grands requins, et des phoques. Il chasse en général dans la journée et il sonde pendant 35 à 45 minutes. Entre deux plongées, il respire pendant une dizaine de minutes. Une femelle avale 500 kg par jour alors qu'un mâle avale jusqu'à une tonne et demie.
En général, on peut les observer en déplacement lent, où l'activité principale est de se nourrir. On pense qu'ils chassent à l'affût, immobiles au fond, dans l'obscurité, en attendant qu'une proie passe à portée. D'autres scientifiques pensent que le cachalot paralyse sa proie en émettant des ondes sonores.

Reproduction - Multiplication

Avant la période de reproduction (janvier à juin), les mâles combattent très violemment. Les vainqueurs ont alors « droit » à plusieurs femelles. La reproduction est vivipare. La gestation dure quinze mois et il ne naît qu'un seul petit. Il sort la queue en premier et, avec l'aide de sa mère, remonte respirer à la surface, puis plonge pour téter. Il mesure alors entre 3,5 et 4,5 m et il pèse une tonne. Il est de couleur plus claire que les adultes. L'allaitement dure deux à trois ans (le lait est 15 fois plus gras que celui des vaches) et les femelles ne mettent bas que tous les 3 à 5 ans. D'ailleurs, les femelles vivent en groupe (de 10 à 50 individus) avec les jeunes et les petits, en restant plutôt dans les eaux tempérées à chaudes, alors que les grands mâles sont solitaires et migrent vers les eaux polaires, riches en nourriture. Ils ne rejoignent un groupe qu'en période de reproduction, sans jamais s'approprier un harem. On observe à ces moments la formation en « marguerite ».
Chez le mâle, le pénis est invaginé dans l'abdomen et ne sort qu'au moment de la reproduction. Les deux testicules sont internes, pour maximiser l'hydrodynamisme. Chez la femelle, les mamelles sont des réservoirs qui s'ouvrent par deux fentes de chaque côté de l'orifice génital.
La croissance des petits est très lente : ils ne doublent leur longueur qu'en sept à huit ans. Un jeune mâle ne quitte sa mère que vers six ans. Il vit alors au sein d'un groupe de célibataires. La maturité sexuelle sera atteinte vers 10 ans. Le mâle mesure alors 12 m de long, la femelle 9 m.
On peut croiser des petits en toute saison en Méditerranée méridionale ; les accouplements ont lieu en mai, juin et septembre.

Vie associée

Les ennemis du cachalot sont les parasites, en particulier les parasites internes dont la présence crée parfois l'échouage et la mort de l'animal. La multiplication d'invertébrés dans les conduits auditifs du cachalot modifie le fonctionnement du sonar : l'animal devient alors incapable de se nourrir, de se diriger, d'éviter les fonds.
Ils supportent plus facilement des parasites externes, en général des crustacés, fixés à la peau et qui laissent des cicatrices.
On peut également trouver des rémoras (par exemple Remora australis) sur les jeunes individus car ces derniers ne vont pas chasser aux profondeurs atteintes par les adultes. Toutefois, quand un adulte revient en surface, l'un de ces rémoras peut alors quitter un jeune pour aller voir s'il n'y aurait pas de la nourriture à récupérer sur cet adulte.

Divers biologie

La longévité du cachalot est estimée entre 50 et 70 ans. Son cerveau peut peser jusqu'à 9 kg, mais ses capacités cérébrales sont encore mal connues. Des études scientifiques affirment qu'il dort souvent, la tête en bas, ou qu'il se laisse dériver dans un demi-sommeil.
Contrairement aux autres odontocètes, le cachalot ne siffle pas et ne crie pas : il utilise des « clics » en communication et en alarme, peut-être comme un code morse, qui sont produits par éjection d'air dans le conduit nasal. Cette émission sonore est très puissante, d'une portée de plusieurs kilomètres. L'ouïe est le sens le plus développé. Le toucher est aussi très important dans les relations au sein du groupe.
Les voies digestive et respiratoire sont séparées : il ne peut donc pas respirer par la bouche ni « avaler de travers », ni encore moins se noyer, car la respiration est un phénomène conscient chez les cétacés.
Comme tous les cétacés, le cachalot présente des capacités anatomiques et physiologiques qui contribuent à ses capacités de plongée : la cage thoracique est déformable ; le réseau dense de capillaires sanguins stocke le sang en piégeant les bulles d'azote avant qu'elles disparaissent d'elles-même par redissolution ; dans le sang, l'hémoglobine est abondante ce qui facilite la distribution de l'oxygène ; de même, la myoglobine, elle aussi très présente, reçoit efficacement l'oxygène dans les masses musculaires.
La population de cachalots s'organise en groupes d'aptitudes physiques similaires. La « base sociale » est un troupeau de dix à cinquante femelles aptes à la reproduction et de jeunes des deux sexes. Ils sont parfois rejoints par des mâles géniteurs. Les jeunes mâles et les célibataires forment un groupe distinct. Enfin, les mères qui allaitent se rassemblent aussi.

Informations complémentaires

La première trace des fossiles avec divergence des sous-ordres mysticètes / odontocètes remonte à environ 30 millions d'années et les odontocètes sont plus anciens que les mysticètes.
On trouve chez certains individus de l'ambre gris dans leur intestin (jusqu'à 500 kg) : cette matière, qui dégage une odeur musquée, est une concrétion autrefois très utilisée en parfumerie, comme fixateur mais, pour le cachalot, c'est une protection contre le bec des céphalopodes qu'il avale.
La tête du cachalot renferme l'organe du spermaceti (une poche huileuse d'environ 5 tonnes de lipides), ce qui explique ce profil caractéristique : en changeant de densité (avec la profondeur et la variation de température), cet organe intervient dans la flottabilité mais surtout, lui permet de sonder très profondément, de façon presque verticale, en n'effectuant que très peu de battements de caudale, ce qui lui permet, là encore, d'économiser l'oxygène. Il aide aussi à des descentes ou remontées très rapides, entre 1 à 3 m/s. Chaud, il est liquide, de faible densité. Il se refroidit avec la profondeur, se solidifie et sa densité augmente. Cet organe correspondrait au melon des autres odontocètes : il participerait au système d'écholocation, particulièrement efficace lorsqu'il chasse sans lumière à grande profondeur. Cette substance, très recherchée pour la fabrication des savons et des chandelles, a fait de lui l'un des cétacés les plus chassés. En particulier, pendant les deux guerres mondiales, il était utilisé pour fabriquer de la nitroglycérine, ce qui a conduit à tuer un grand nombre d'animaux.
Le premier témoignage de cachalot harponné date de 1712, par un capitaine de baleinier à la chasse aux baleines franches. Jusque-là, les troupeaux de cachalots faisaient peur aux chasseurs. Mais à partir de cette date, la chasse au cachalot en haute mer se développa énormément : en effet, les composants de l'animal, l'huile en particulier, se révélèrent de qualité bien supérieure à celle des autres baleines. Il est intensivement chassé depuis le XVIII° siècle, pratiquement décimé au début du XIX° siècle. Aujourd'hui la population de cachalots est menacée (filets, pollution,…). On estime à 350 000 le nombre de cachalots présents dans l'hémisphère sud, à 175 000 la population de l'hémisphère nord (22 000 en Atlantique nord).
Les dents des cachalots étaient autrefois décorées par les marins et baleiniers, qui les revendaient à terre comme objets de luxe.

Statuts de conservation et réglementations diverses

La première Commission Baleinière Internationale a eu lieu à Londres en 1949, avec le but de limiter les prises, protéger les jeunes, créer des réserves et respecter les espèces en danger d'extinction. La chasse au cachalot est interdite depuis 1982, par cette commission. Aux Açores, elle s'est poursuivie de façon traditionnelle jusqu'en 1984.
En 1930, on estimait le nombre d'individus à 500 000 mâles et 600 000 femelles. En 1975, ces chiffres étaient déjà descendus à 180 000 pour les mâles et 350 000 pour les femelles.

Origine des noms

Origine du nom français

Le mot cachalot vient du portugais « cachalotte », issu de « cachola » = caboche.
Il est intéressant de noter que 400 ans avant J.C., Aristote classait déjà les baleines parmi les mammifères alors qu'en 50 avant J.C. et pendant seize siècles, elles ont été classées parmi les poissons. Ce n'est qu'en 1758 que Linné classera définitivement les cétacés parmi les mammifères.

Origine du nom scientifique

Physeter : du grec [phusao] = souffler fortement, qui a donné le mot [phusèter] = sorte de flûte. Le nom de genre fait référence au souffle du cachalot.

macrocephalus : du grec [macros] = grand ou long et du grec [képhalé] = tête : qui a une grosse tête .
catodon : du grec [katô] = en bas et du grec [odontos] = dent : qui a des dents à la mâchoire du bas.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 137119

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Mammalia Mammifères Vertébrés possédant des poils et des glandes mammaires produisant du lait.
Sous-classe Theria Thériens La paroi latérale du crâne est constituée de deux os particuliers: l'alisphénoïde et le squamosal.
Super ordre Eutheria Euthériens Présence d'une dentition lactéale et d’un développement embryonnaire effectué entièrement dans l'utérus (mammifères placentaires).
Ordre Cetacea Cétacés Mammifères aquatiques possédant des nageoires à la place des pattes. Narines situées au sommet du crâne.
Sous-ordre Odontoceti Odontocètes Cétacés munis de dents fixées au rostre et à la mandibule, et d’un melon prononcé en avant du crâne. Un orifice unique, l’évent, au sommet du crâne.
Famille Physeteridae Physétéridés
Genre Physeter
Espèce macrocephalus

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