Foraminifère-vertèbre

Marginopora vertebralis | Quoy & Gaimard, 1830

N° 3466

Pacifique tropical et nord de l'océan Indien

Clé d'identification

Disque biconcave
1 à 2 cm de diamètre
Parfois perforé au milieu
Structure en anneaux concentriques
Marge plus claire

Noms

Autres noms communs français

Centime de mer, bouton de culotte de Neptune

Synonymes du nom scientifique actuel

Cette espèce décrite pour la première fois et nommée Marginopora vertebralis par Quoy & Gaimard (in Blainville 1830) a ensuite été nommée Orbitolites complanata Lamarck par Carpenter en 1850, en raison de sa ressemblance avec cette espèce fossile.
Par le jeu des règles de taxonomie, on a ainsi pu la trouver sous le nom d'Orbitolites vertebralis (Quoy & Gaimard, 1830) dans la littérature postérieure.
Le nom correct selon la nomenclature en vigueur est bien Marginopora vertebralis Quoy & Gaimard in Blainville, 1830.

Distribution géographique

Pacifique tropical et nord de l'océan Indien

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique

Dans le Pacifique Nord : de Hawaii au sud du Japon et aux Philippines ;
Dans le Pacifique Sud : de l'île de Pâques à l'Australie et en Indonésie, elle est présente en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie ;
Océan Indien : quelques signalements aux Seychelles et aux Maldives.

Les signalements des côtes est-africaines, de mer Rouge ou des Caraïbes sont probablement des confusions avec Sorites orbiculus ou Cyclorbiculina compressa (Silvestri 1937).

Biotope

Le foraminifère-vertèbre peut être très abondant localement dans les herbiers à faible profondeur, sur les platiers, sur les fonds de sable grossier et de débris coralliens, de la zone intertidale* jusqu'à 25 m environ.

Description

Marginopora vertebralis est le plus commun des foraminifères de taille centimétrique qu'on puisse voir sous l'eau ou sur la plage. Il se présente comme un disque pouvant atteindre 3 cm de diamètre, ce qu'on peut considérer comme du gigantisme étant donné qu'il s'agit d'un organisme unicellulaire. La taille moyenne est de 1,5 à 2 cm.
Le disque vu de côté a un profil biconcave : il est plus épais vers la périphérie. La partie centrale peut être manquante sur les grands individus, et presque toujours sur les squelettes vides.
La coloration varie du gris pâle au verdâtre ou rosâtre, plus soutenu à l'extérieur (le milieu est souvent décoloré), et avec une marge nettement plus claire, couleur crème.

Ce qu'on voit est en fait le test* ou squelette calcaire sécrété par la cellule unique, géante et souvent plurinucléée*, dont la plus grande partie reste protégée à l'intérieur. La partie centrale comprend la loge initiale et les premières loges, plus fragiles, qui finissent par se rompre en laissant un trou circulaire au milieu.
En grandissant, le cytoplasme* génère sur un plan équatorial des loges en anneaux concentriques divisés en logettes, petites et rapprochées, consolidées par des parois transversales. Cette croissance à plat lui permet de conserver un rapport surface/volume à peu près constant, compatible avec les besoins en échanges (gazeux, alimentaires) d'une cellule unique. Sur les grands individus la marge peut devenir plissée ou légèrement chevauchante.

Toutes les logettes sont interconnectées par des foramens* (orifices) avec leurs voisines du même cercle et avec celles des cercles précédents. Les loges placées à la périphérie sont perforées de nombreuses ouvertures (ou apertures*) et laissent passer à l'extérieur les pseudopodes*, petites extensions semblables à des filaments utilisées pour se fixer, se mouvoir et se nourrir.

La marge claire correspond à une ou plusieurs rangées d'alcôves ou "chambres reproductives", plus grandes et à paroi fine, contenant des embryons en formation.

Espèces ressemblantes

Il est impossible de déterminer avec certitude un de ces foraminifères vivant, surtout les petits individus, car l'identification nécessite un examen du test* (squelette) à la loupe. Nous avons choisi néanmoins de nommer cette fiche "Marginopora vertebralis", comme exemple représentatif de cette famille. Certaines photos illustrant cette fiche représentent probablement une autre espèce.

Voici les espèces avec lesquelles on peut le confondre dans la même zone de répartition :
- Amphisorus hemprichii Ehrenberg, 1840 est souvent confondu avec Marginopora vertebralis. Il est de forme aplatie, voire légèrement biconvexe. La marge est mince et parfois ondulée ou plissée. Les ouvertures marginales se répartissent en 2 rangées sur la "tranche". L'espèce est présente en mer Rouge, sur les côtes est-africaines, à Mayotte, à la Réunion, aux Seychelles ; dans le Pacifique Sud : côtes ouest et est australiennes, Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, aux Tuamotou jusqu'à Pitcairn et l'île de Pâques ; dans le Pacifique Nord : on la trouve à Hawaï, au sud du Japon, en Papouasie Nouvelle-Guinée.

- Sorites orbiculus
Forskal, 1775 est de forme aplatie sans épaississement périphérique. Les ouvertures marginales sont de forme ovoïde ou étirée, elles sont situées sur une seule ligne médiane sur la tranche. C'est une espèce cosmopolite*, circumtropicale*, que l'on retrouve dans tout l'Indo-Pacifique Est et Ouest et aussi dans l'Atlantique (Brésil, du Venezuela à la Floride) et même en Méditerranée orientale.

- Parasorites orbitolitoides (Hofker, 1930), également de forme aplatie, a des ouvertures marginales arrondies et espacées régulièrement le long d'une ligne médiane sur la tranche. Les premières loges de son test ne s'organisent pas en anneaux concentriques mais forment une spirale qui reste visible au centre du test adulte.

- Cycloclypeus carpenteri
Brady, 1884, autre foraminifère géant de forme discoïde, atteint jusqu'à 10 cm de diamètre ! Son profil est légèrement biconvexe, et on ne le trouve qu'à des profondeurs d'au moins 50 m.

Les tests trouvés en laisse de mer pourraient être confondus avec ceux de l'oursin miniature Echinocyamus pusillus, mais ceux-ci sont nettement bombés (en volume) et non plats. De plus on ne le trouve pas dans les eaux du Pacifique.

Alimentation

De nuit, le foraminifère-vertèbre se fixe sur une portion de substrat* et absorbe par phagocytose* des diatomées, de petites algues unicellulaires et de petits fragments d'invertébrés se trouvant sur la rondelle occupée. Quand il se déplace ensuite, il laisse derrière lui une pastille nette, décapée, et à la périphérie un petit dépôt muqueux de substances évacuées (coques de diatomées* vides, fragments chitineux...)

Reproduction - Multiplication

Le cycle de vie des foraminifères-vertèbres présente une alternance de phases haploïde* et diploïde*. Chacune des deux générations, haploïde et diploïde, peut produire des embryons de façon asexuée, par fragmentation. Ces embryons se développent dans les loges périphériques (ou chambres reproductives) avant d'être largués à l'extérieur.

On distingue deux morphotypes* sur la base de la dimension de la loge initiale :
- les individus provenant de la fusion de 2 gamètes* (simples cellules ciliées avec juste un noyau et très peu de cytoplasme) ont une petite loge embryonnaire et sont nommés microsphériques ;
- les individus issus d'une multiplication végétative, par isolement d'un noyau entouré d'une bonne portion du cytoplasme parental avec quelques symbiotes*, ont une loge initiale de grande taille. On les qualifie de macrosphériques.

Il peut paraître surprenant de parler de comportement au sujet d'un protozoaire, et pourtant, quand il arrive à maturité, le foraminifère-vertèbre manifeste certaines dispositions extravagantes qui ne sont pas sans rappeler celles des organismes pluricellulaires !
A la force de ses petits bras (les pseudopodes), le foraminifère en phase de reproduction soulève progressivement une large portion de son disque au-dessus du sol et arrive à se mettre "sur la tranche". Il reste dans cette attitude jusqu'à 1 ou 2 jours, cramponné par les pseudopodes, puis la paroi extérieure de la couche périphérique de logettes se rompt, libérant dans l'eau les embryons qui s'y trouvaient (au nombre de 60 à 150 embryons).
Les juvéniles se dispersent en quelques heures autour de la cellule mère, puis commencent à se nourrir de la même façon.

Les juvéniles, qu'ils proviennent de la fusion de gamètes ou de la multiplication végétative, commencent par sécréter une coquille calcaire autour de la cellule. A ce stade, le test embryonnaire est constitué de la loge initiale (le proloculus*) et d'une extension tubulaire (le flexostyle*) recourbée autour du proloculus. La première loge centrale aplatie, puis les loges circulaires, concentriques, viendront s'y rajouter toujours dans le même plan.
Le test va ainsi s'agrandir par anneaux concentriques autour des loges initiales. D'abord constituées d'une seule couche de logettes dans les premiers tours, les loges vont ensuite s'épaissir avec plusieurs logettes superposées dans les anneaux périphériques. C'est ce qui donne au test un profil plus épais vers l'extérieur (profil biconcave).

Vie associée

Le foraminifère-vertèbre est toujours associé à des Dinoflagellés du genre Gymnodinium. Ces symbiontes* sont inclus dans le cytoplasme du foraminifère, au nombre de 6 à 8 par logette, et donnent une pigmentation verdâtre aux portions occupées. Quoique dépourvus de flagelle et non mobiles, ils sont capables de se concentrer en quelques heures sur la face exposée à la lumière et à la périphérie du test, là où la fine paroi de calcite transparente joue le rôle de fenêtre.

Les foraminifères sont mangés à l'occasion par tous les brouteurs opportunistes : vers plats, échinodermes, crevettes, mollusques, mais leurs prédateurs principaux sont les holothuries errantes qui avalent la couche superficielle, digèrent toute la matière organique qui s'y trouve et rejettent à l'arrière des boulettes de sable propre et de tests parfaitement décapés. Les fèces d'holothurie sont une mine pour les chercheurs de micro-trésors !
Les foraminifères broutés en même temps que leur algue-support par un poisson herbivore traversent en général son intestin sans dommage, et sont dispersés à la sortie, bien vivants et prêts à continuer à croître et multiplier.

Aucun être vivant n'est trop petit pour être parasité. A leur échelle, ils peuvent être victimes d'un parasite spécifique : Trophosphaera planorbulinae Le Calvez, 1938, (un autre protiste*).

Divers biologie

On a constaté que les Marginopora sont capables de se déplacer en rampant, grâce à leurs pseudopodes* (expansions rétractiles du cytoplasme), et de se hisser à la surface du substrat en cas d'enfouissement. On en a vu grimper le long d'une vitre d'aquarium, à la vitesse sidérante de 3 cm par heure !
Les pseudopodes se présentent sous forme de minuscules expansions filiformes, blanchâtres, de 20 à 30 mm de longueur, émergeant des ouvertures périphériques du test.
Ils leur permettent aussi d'adhérer au support, avec une force telle qu'il est difficile de les décoller sans briser le test.

La structure fine du squelette calcaire lui confère une excellente résistance mécanique, d'où une longévité étonnante pour une cellule unique. On considère que les individus de 15 à 20 mm de diamètre sont dans leur 2ème année d'existence, et que les spécimens de plus de 2 cm sont probablement âgés de 3 ans et plus.

Informations complémentaires

En se liant par ses pseudopodes aux particules voisines, le foraminifère-vertèbre agglomère et solidarise les quelques centimètres supérieurs du substrat, qu'il s'agisse de gravillons ou d'un fond plus boueux. Quoiqu'assez lâche, cette liaison permet d'assurer la cohésion de la couche superficielle face à des courants ou mouvements d'eau modérés.

En raison de la similitude de leur mode de vie (en particulier la symbiose avec Gymnodinium, la sécrétion de squelette calcaire, la vie en eaux chaudes peu profondes), le foraminifère-vertèbre a été utilisé comme un modèle simplifié représentant les coraux hermatypiques*, lors d'études de simulation des impacts climatiques sur les récifs coralliens. On a démontré que la présence des symbiotes*, dans les deux cas, consomme les déchets azotés de l'hôte et stimule sa croissance en participant à l'équilibre carbonates / bicarbonates, très important pour ces organismes possédant un test calcaire. De même, on a pu démontrer un blanchissement et une mort des foraminifères suite à la perte des symbiotes, après un épisode de réchauffement.

Origine des noms

Origine du nom français

Foraminifère-vertèbre : dans les stades jeunes où le test est encore entier, sans trou central, cet organisme ressemble à un minuscule disque intervertébral.

Origine du nom scientifique

Marginopora : du latin [margin-] = bordure ; et [por-] = trou, passage, soit à peu près « marge poreuse ».

vertebralis : mot construit par déformation du latin [vertebratus] = en forme de vertèbre.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 382447

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Foraminifera Foraminifères

Les Foraminifères sont exclusivement aquatiques, on en trouve dans les océans, les eaux saumâtres, les eaux douces. Les espèces sont planctoniques ou benthiques (dans ce cas, le test est libre ou fixé sur un substrat). La plupart produisent un test organique ou minéral composé d'une ou plusieurs loges, communiquant entre elles par des ouvertures appelées foramens. L'arrangement des loges est extrêmement varié. Les ouvertures de la dernière loge permettent à l'animal d'interagir avec son environnement en émettant des pseudopodes.

Ordre Miliolida Miliolidés
Famille Soritidae Soritidés Test fait de spicules calcaires secrétés par l'organisme lui-même. Test libre, discoïde, chambres segmentées par des septules avec des pores marginaux.
Genre Marginopora
Espèce vertebralis

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