Couteau américain

Ensis leei | M. Huber, 2015

N° 4336

Mer du Nord, Manche, Atlantique Nord-Ouest

Clé d'identification

Coquille étroite et longue de 13 à 16 cm
Coquille équivalve et inéquilatérale
Coquille bâillante aux deux extrémités
Extrémité antérieure tronquée
Extrémité postérieure oblique et arrondie
Couleur grisâtre avec marbrures crème, chamois et mauves
Périostracum luisant vert olive et brun
Intérieur de la coquille blanc

Noms

Autres noms communs français

Couteau de l'Atlantique, couteau droit.
Sur les côtes de la Manche, les noms locaux de manchot ou de manche de couteau sont utilisés sans distinction d’espèces.

Noms communs internationaux

Atlantic razor clam, Atlantic jack knife clam, American jack knife clam, Common razor clam (GB), Navaja americana (E), Amerikanische Schwertmuschel, Amerikanische Scheidenmuschel (D), Amerikaanse zwaardschede (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Solen directus Conrad, 1843
Ensis directus (Conrad, 1844) sensu Abbott, 1954
Ensis americanus (Gould, 1870)
Ensis arcuatus var. directus

Distribution géographique

Mer du Nord, Manche, Atlantique Nord-Ouest

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-Ouest

Originaire de l’Atlantique Nord-Ouest où il vit des côtes du Labrador (Canada) au nord jusqu’en Floride au sud, le couteau américain est arrivé accidentellement en Europe où il s’est développé sur les côtes sableuses de la mer Baltique, de la mer du Nord et de la Manche.

Biotope

Ensis leei préfère les fonds de sable fin légèrement vaseux dans lesquels il s’enfonce verticalement, parfois jusqu’à 50 cm de profondeur, grâce à son puissant pied* musculeux. On le trouve essentiellement au fond des baies colonisant les étages médiolittoral* inférieur et infralittoral*. Il a cependant été recensé jusqu’à 200 m de profondeur.
Il tolère également des variations de salinité (7 à 32 psu ou ‰) et de ce fait il peut être présent dans les estuaires. Par contre, il supporte mal les conditions de faible oxygénation dans les sédiments fins (sable vaseux, vase).

Description

Le couteau américain est un mollusque bivalve qui possède une coquille en forme de manche de couteau, équivalve* et inéquilatérale* qui atteint, sur les côtes européennes, une longueur maximale de 19 cm. Sa taille habituelle est de 13 à 16 cm de long pour 2,5 à 2,8 cm de large. Dans sa région d’origine cette espèce peut atteindre jusqu’à 25 cm de longueur. Le rapport de la largeur à la hauteur est de 6/1.

La coquille est longue, étroite, légèrement courbe et bâillante aux deux extrémités. Les deux côtés des valves sont parallèles. L’extrémité antérieure est tronquée verticalement alors que la postérieure l’est obliquement avec un léger arrondi. La coquille est blanc sale à grisâtre avec des marbrures crème, chamois et mauves. La coquille est recouverte d’un périostracum* luisant vert olive à brun foncé dans sa partie antérieure. L’intérieur de la coquille est blanc.
La trace du muscle adducteur* antérieur est très proche du sinus* palléal* qui est oblique.
Le ligament de la charnière est long, étroit et de couleur brun foncé à noire. Il est situé près du bord antérieur de la coquille. Ce ligament, constitué d’une matière organique, la conchyoline* est souple et sert à l’ouverture des valves. La valve droite possède une dent cardinale* et une dent latérale. La valve gauche compte deux dents cardinales et deux latérales situées l’une au-dessus de l’autre.

Deux siphons, l’un inhalant, l’autre exhalant sont situés à la partie postérieure de la coquille. Ils présentent une couronne de fins tentacules à leur base. A l'autre extrémité, ou partie antérieure, un pied puissant en forme d'ogive, pouvant se dilater fortement, favorise l’enfouissement rapide de l’animal dans le sédiment.

Espèces ressemblantes

Ensis magnus : les différences sont très ténues entre ces deux espèces, cependant on notera que la coquille d’E. magnus est moins large, son sinus palléal* est droit et son périostracum* jaune. Le rapport longueur/hauteur est de 6/1 chez E. leei et de 8/1 chez E. magnus (anciennement Ensis arcuatus).

Ensis siliqua : de taille sensiblement égale (15 à 20 cm de long), elle est présente en Atlantique Est (Norvège, Baltique jusqu’au Maroc).

Depuis son arrivée, E. leei, mollusque invasif, s'est malheureusement développé au détriment de ces deux espèces indigènes (E. siliqua et E. magnus).

Ensis minor : extérieurement, la différence est quasi impossible à observer (même longueur, même coloration) bien que la coquille semble parfois un peu plus droite chez E. minor. C’est à l’intérieur de la coquille que l’on remarquera deux dissemblances essentielles : l’intérieur de la coquille d’E minor montre une coloration violacée, blanche chez E. leei et la longueur entre la dent cardinale* droite et l’extrémité postérieure du ligament est nettement plus courte chez E. minor.

Pharus legumen : de taille plus petite, l'extrémité des deux valves est arrondie et le ligament est situé en position centrale.

Solen marginatus : la coquille est droite et le périostracum brun clair. Une seule dent cardinale sur chaque valve ; pas de dent latérale. L’extrémité des 2 valves présenteun sillon caractéristique perpendiculaire à l’axe longitudinal.

Alimentation

Le régime alimentaire de ce mollusque suspensivore* est composé de phytoplancton* et de matières organiques en suspension. L'absorption de la nourriture se fait grâce aux deux siphons* qui affleurent à la surface du sédiment. L’un, inhalant, permet l’entrée d’eau dans la cavité palléale* ; cette eau est filtrée sur les branchies par le mollusque qui en retient les particules alimentaires puis est expulsée vers l’extérieur par l’autre siphon exhalant.

Reproduction - Multiplication

La reproduction des couteaux se fait dans l’eau de mer. C’est une espèce gonochorique* sans dimorphisme* sexuel. La maturité sexuelle est atteinte dès la première année.
Les cellules reproductrices ou gamètes* mâles sont libérées dans l’eau de mer au printemps (avril-mai) par le siphon* exhalant. Elles pénètrent dans la femelle par le siphon inhalant et les ovules* sont fécondés dans les branchies. Les embryons* sont libérés dans l’eau, se développent en une larve* trochophore*, grandissent, puis se métamorphosent en une larve véligère* capable de nager grâce à une couronne ciliée, le velum*. Ces larves sont transportées par les courants ; après une courte vie planctonique* (2 à 3 semaines) elles se posent sur le fond en dessous du niveau des basses mers et adoptent une vie benthique* en s’enfouissant verticalement.
Une deuxième période de reproduction peut avoir lieu en été.

Vie associée

Les individus de l’Atlantique Nord-Ouest sont souvent infectés par un petit crustacé copépode ectoparasite* : Leptinogaster major.

Du fait qu’il se trouve à découvert lors des grandes marées de vive eau, le couteau américain est la proie de nombreux oiseaux marins : goélands argentés Larus argentatus, huîtriers pies Haematopus ostralegus sur les côtes européennes, goélands à bec cerclé Larus delawarensis sur les côtes nord-américaines. D’autres prédateurs comme les crabes, les natices et certains poissons, tels les poissons plats, les harengs (Clupea harengus) ou la morue franche (Gadus morhua) ne dédaignent pas les mettre au menu de leurs repas.

Les prédateurs de sa région d’origine, plus particulièrement la natice de l’Atlantique (Euspira heros), le némerte laiteux (Cerebratulus lacteus) ou l’étoile de mer polaire (Leptasterias polaris), sont absents en Europe. C’est probablement ce qui a permis son succès dans la colonisation des côtes européennes avec sa tolérance aux fonds de sable instables dans la zone de balancement des marées.

Du fait qu’il ne s’enfouit pas complètement, la coquille, qui dépasse du sédiment, peut servir de support à des organismes sessiles* comme des balanes ou les pontes de nasses (Tritia spp.).

Divers biologie

Dans l’eau, en ouvrant et fermant rapidement ses valves et en contractant son pied, il peut faire des bonds ou même nager sur de courtes distances.

On a remarqué que la très forte concentration de cette espèce pouvait modifier la structure de la communauté de la faune benthique* locale en rentrant en compétition pour la nourriture et l’espace. Dans certaines régions, le nombre d’individus par mètre carré peut être considérable, de 5 à 15 individus. Ce nombre peut atteindre plus de 1 000 individus voire 30 000, ce qui peut expliquer les échouages massifs observés sur les côtes de la mer du Nord.

On estime la durée de vie d’Ensis leei entre 5 et 10 ans, jusqu’à 20 ans au maximum.

Les juvéniles de 1 à 3 mm de long peuvent migrer. Au laboratoire, 3 mois après la fécondation, ils mesurent 7 à 9 mm de long. Après le premier hiver ils peuvent mesurer jusqu’à 6 cm.

Informations complémentaires

Cette espèce, originaire d’Amérique du Nord, est arrivée sur les côtes européennes, en mer du Nord, plus précisément dans l’estuaire de l’Elbe en Allemagne, en 1978. C’est par l’intermédiaire des ballasts des bateaux de commerce que ce couteau a été introduit sur nos côtes. Trouvant des conditions favorables à son développement, le couteau américain a proliféré et atteint les Pays-Bas en 1984 et les côtes de Grande-Bretagne en 1989. Par la suite, il s’est répandu vers l’est pour atteindre dès 1990 les côtes de la Manche jusqu’au Cotentin. S’étant parfaitement adaptée, cette espèce rentre donc en compétition, dans ces régions, avec l’espèce indigène Ensis magnus.

Comestibles, les pieds de couteaux font l’objet d’une pêche de loisir et professionnelle. Ils servent également d’appât pour la pêche.
C’est actuellement l’espèce la plus commune sur les côtes du nord de la France.
Des essais d’élevage (aquaculture) ont été tentés mais ne se sont pas développés car non rentables. La qualité de sa chair étant diversement appréciée selon les régions, considérée parfois comme ferme ou caoutchouteuse, offrait peu de débouchés pour la vente.

Le nom généralement utilisé depuis des années pour ce couteau était Ensis directus. En fait, Ensis directus est une espèce fossile différente de notre couteau américain. Ce dernier a été renommé Ensis leei en hommage à H.G. Lee qui a joué un rôle essentiel dans la découverte de cette occurrence.

Statuts de conservation et réglementations diverses

La pêche maritime de loisir est réglementée par l’arrêté du 15 janvier 2018 modifiant l'arrêté du 26 octobre 2012. Cette réglementation détermine la taille minimale ou le poids minimal de capture des poissons et autres organismes marins (pour une espèce donnée ou pour une zone géographique donnée). Les arrêtés peuvent varier selon la région maritime et il est important de se renseigner auprès des autorités maritimes locales pour connaître les règles dans votre région.

La longueur minimale pour la pêche du couteau Ensis leei, valable également pour les autres espèces de couteaux : (Ensis spp., Pharus legumen, Solen marginatus) est de 10 cm. Cette taille est valable pour tous les départements côtiers français. Seuls changent les quantités ou le poids valables par pêcheur et par jour :

  • 2 kg dans les Hauts-de-France
  • Limité à la consommation personnelle dans la Manche.

Cette pêche peut se pratiquer toute l’année sauf interdictions temporaires dues à des raisons sanitaires ou à la gestion de la ressource.
Les outils autorisés sont la griffe à dents, la pelle triangulaire, le piquot, la fourche, le croc, la gouge à couteaux ou la baleine de parapluie montée sur un manche en bois.
Cependant il existe une méthode plus douce pour attraper les couteaux : après avoir repéré sur le sable une marque en forme de 8 ou de trou de serrure, on dépose une grosse pincée de sel directement sur le trou. Le couteau remonte alors partiellement à la surface, il suffit de le saisir fermement et de tirer doucement dessus.
On rappellera que l’ensemble des récoltes effectuées doivent être limitées à la consommation familiale du pêcheur, en un mot : les volumes doivent être « raisonnables » !

Origine des noms

Origine du nom français

Couteau : la forme droite de ce bivalve fait penser au manche d'un couteau.

américain : région d’origine de ce bivalve.

Origine du nom scientifique

Ensis : mot latin = épée, glaive.

leei : en hommage au Docteur Harry G. Lee, cardiologiste en retraite et passionné de malacologie (étude des mollusques), devenu spécialiste des mollusques au Florida Museum à l’université de Floride (USA).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 876640

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire.
Sous-classe Heterodonta Hétérodontes Charnière à dents dissociées. Siphon bien développé permettant aux organismes de se nourrir et de respirer tout en restant enfouis.
Ordre Adapedonta Adapédontes
Famille Pharidae Pharidés Coquille étroite. Charnière à une dent de chaque côté.
Genre Ensis
Espèce leei

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